Dix disques pour vous lancer dans l’aventure classique, partie 1

Dix disques pour vous lancer dans l’aventure classique, partie 1

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Image par WikiImages de Pixabay

Bonjour, mon nom est Pierre et je suis discophile compulsif… C’est probablement ainsi que je me présenterais si j’étais membre d’un groupe de soutien pour amateurs de disques invétérés. N’ayez crainte, cette condition ne me fait pas souffrir. Au contraire, j’en retire un immense plaisir et je compte bien partager cette passion avec vous dans les pages de PMA Magazine.

Mélomane audiophile, je fais partie de ceux qui croient que les appareils audios de qualité peuvent magnifier l’intention artistique ou, du moins, attirer notre attention sur un angle particulier de la musique. Je suis aussi très curieux. Je raffole de tous les genres musicaux ou presque : la musique classique, bien sûr, mais aussi le jazz, le rock progressif (je suis un fan fini de Rush!), de folk, d’électronique, etc.

Comment suis-je devenu amoureux fou de la musique classique? Je le dois en bonne partie à des cambrioleurs qui m’ont dérobé la centaine de disques (surtout du gros rock) que je possédais alors que j’étais étudiant. J’ai simplement voulu tourner la page et passer à autre chose. Je me suis donc rendu chez un marchand de disques du Vieux-Québec dans la section… jazz. Le type derrière le comptoir ayant l’air trop occupé pour me servir, j’ai poursuivi ma quête dans la section classique, où j’ai dit au premier conseiller que j’ai croisé : « je veux connaître la musique classique ». Il m’a guidé vers le baroque sur instruments d’époque, et j’ai eu la piqure. Puis, j’ai lu, beaucoup : les livrets des disques que j’achetais au compte-goutte, les magazines spécialisés, les guides de disques et surtout les catalogues des éditeurs pour connaître le répertoire. Des connaisseurs m’ont fait comprendre que j’avais beaucoup d’oreille et, quelques années tard, j’ai remplacé au pied levé un ami à l’animation d’une émission de musique classique dans une radio communautaire de Québec. L’aventure a duré 12 ans, pendant lesquelles j’ai pu partager ma passion sur les ondes et interviewer de nombreuses vedettes, tant locales qu’internationales. J’ai aussi été critique de musique classique au quotidien le Soleil et le magazine Hi-Fi québécois Son & Image. Voilà pour les arguments d’autorité…

Dix disques pour vous lancer dans l’aventure classique (partie 1 de 2)

Pour lancer ma nouvelle collaboration avec PMA, j’ai pensé à ceux qui seraient peut-être intimidés par la musique classique ou qui ne sauraient trop par quels disques commencer. Voici donc une première salve de cinq disques pour vous guider. J’en ai choisi un par grande époque afin de vous donner des repères.

Renaissance : ±1400 à ±1600

Carlos V
Jordi Savall
Alia Vox AVSA9814

Je ne connais pas de meilleur disque pour vous initier à la musique de la Renaissance. Cet album fait d’ailleurs partie de ma courte liste des disques à emporter sur cette fameuse île déserte, où, nous l’espérons tous, se trouve un système audio de qualité. Jordi Savall, grand spécialiste de cette époque, a préparé avec soin un généreux bouquet de pièces vocales, chorales et instrumentales. Ces œuvres servent à illustrer les différents jalons de la vie de Charles V (1500-1558), empereur du Saint-Empire romain germanique de 1519 à 1558, mélomane et protecteur de nombreux musiciens. Il en résulte un programme passionnant mêlant chansons à boire (Quand je bois du vin clairet, Anonyme), musique de batailles (La bataille, Janequin) et surtout la poignante et mélancolique chanson Mille Regretz de Josquin des Prés, ayant inspiré Cristóbal de Morales à composer sa fameuse messe du même nom. Comme dans tous les albums de Savall publiés chez sa propre maison de disques, Alia Vox, la qualité de l’édition et l’érudition de la notice vont de pair avec la qualité artistique de la prestation musicale. La prise de son de Nicolas Bartholomée, fidèle collaborateur de Savall, est tout simplement miraculeuse et participe à la réussite totale de cet album mémorable. Disponible aussi en SACD.

L'ère baroque : ±1600 à ±1750

Concertos brandebourgeois 1-3; Suite pour orchestre n° 1;
Reinhard Goebel
Archiv Produktion 447287-2

Le premier volume des Concertos brandebourgeois de Bach par Reinhard Goebel (il y a six concertos au total) est ce fameux premier disque, m’ayant été conseillé par un disquaire, « pour connaître la musique classique ». Le choc—il s’agissait de musique baroque. Mais je n’en ai jamais voulu au type, car cet album est devenu un de mes disques préférés, tous genres confondus. Cet enregistrement de 1985 a très bien vieilli, tant du point de vue de l’interprétation que de la prise de son. Goebel et son ensemble Musica Antiqua Köln y dépoussièrent l’interprétation de la musique de Bach en recherchant les contrastes et en exploitant la dynamique propre au style des compositions. Les riches saveurs des instruments sont exploitées au maximum sans jamais gommer la délicatesse de la musique dans les passages plus intimistes. La virtuosité est aussi mise de l’avant (la trompette naturelle dans le final du 2e concerto ou l’ensemble du petit orchestre de chambre dans le final du 3e concerto). J’attirerais aussi votre attention sur la première Suite pour orchestre qui clos le programme (enregistrée en 1987). Cette succession de danses, composée en hommage au style français, est jouée par Goebel avec la solennité requise. Ce disque illustre parfaitement l’immense influence de la musique française sur Bach et ses contemporains. Ces enregistrements font aussi partie d’un coffret de 8 disques chez le même éditeur, rassemblant la musique orchestrale et la musique de chambre gravées par Goebel (471656-2). Je vous encourage à lire le livret, qui est très clair et instructif.

Ère classique : ±1770 à ±1800

Concerto n° 10 pour deux pianos;
Concerto pour flûte et harpe;
3e Concerto pour cor Jos van Immerseel Alpha 339

Le style classique en musique pourrait être défini comme la recherche de l’équilibre, de la clarté et de l’élégance. L’accent est mis sur la maîtrise de la forme, d’un langage harmonique et d’un programme tonal clairs, ainsi que sur une certaine réserve dans l'expression, ce qui n’empêche pas les surprises et les clins d’œil. Ce disque vous permettra de savourer ces préceptes de la plus jolie manière qui soit. Il s’agit d’un de mes disques préférés dans Mozart, par un pianiste et chef d’un immense talent : Jos van Immerseel. Ce dernier possède une collection grandiose de pianos de toutes les époques et porte une attention particulière à la beauté des timbres des instruments. Ici, il nous propose trois magnifiques concertos dédiés à des instruments très différents : le Concerto n° 10 pour deux pianos (KV365), le populaire Concerto pour flûte et harpe (KV299) et le 3e Concerto pour cor (KV447). Les solistes sont tous des membres de l’ensemble Anima Eterna et de grands spécialistes du répertoire. La prise de son est exceptionnelle—très naturelle et aérée. Une mention spéciale pour les timbres, magnifiquement captés, qui soulignent la beauté des instruments choisis, à commencer par les superbes pianoforte Walter (modèles que Mozart et Beethoven utilisaient) et, surtout, la harpe du KV299. Un pur délice.

L'ère romantique : 1800 à 1900

Beethoven : Symphonies 4 et 5
Nikaulas Harnoncourt
Sony Classical 8875136452

L’époque romantique se définit par opposition au classicisme, soit la prépondérance accordée au sentiment plutôt qu’à la raison et la recherche de nouvelles formes qui dépassent les canons établis. Rappelons que Beethoven, arrivé à Vienne en 1792, composa d’abord dans le style classique, comme ses modèles Haydn et Mozart, et que sa musique se teintera de romantisme au tournant du 19e siècle. Parmi les dizaines de versions existantes de la 5e Symphonie, (Qobuz via Roon dénombre 234 !), je n’ai pas hésité une seconde à choisir la 2e version officielle de l’immense chef que fut Nikolaus Harnoncourt, couplée ici avec la 4e Symphonie. La notice qui accompagne le disque est passionnante. On y apprend notamment le lien existant entre la 5e Symphonie et la Révolution française. Dans les années 1990, Harnoncourt avait enregistré une intégrale de référence des neuf symphonies, en brassant la cage quelque peu. Cette 2e version des 4e et 5e Symphonies va encore plus loin en bousculant les idées reçues. Ainsi, la sous-estimée « 4e Symphonie » devient la plus belle et la plus équilibrée des symphonies de Beethoven. Concernant la 5e, Harnoncourt rejette la symbolique du destin au début de la symphonie : « on ne frappe pas à la porte pour entrer, mais pour sortir », nous dit-il. Jouée ainsi, la 5e devient plutôt un manifeste politique, voire une marche de libération postrévolutionnaire permettant de traverser de l’autre côté, vers la liberté. Magnifique prise de son soulignant avec aplomb les contrastes dynamiques de la musique (la différence entre les sons les moins forts et les forts).

« Modernité » : 1900 à nos jours

Stravinsky : L’Oiseau de feu, Pétrouchka (version 1911), Le Sacre du printemps
Pierre Boulez
Deutsche Grammophon 435769

Bang! Le Sacre du printemps, ballet de Stravinsky créé en 1913 à Paris, provoqua l’un des plus grands tremblements de terre de l’histoire de la musique. Il y a un avant et un après le Sacre, chef-d’œuvre absolu qui offrit un élan de liberté aux compositeurs. Ce disque de Pierre Boulez à Cleveland, qui débute par le ballet Pétrouchka, fait partie des deux ou trois disques que j’utilise systématiquement pour tester les appareils stéréo, en particulier les amplificateurs. La prise de son a tout pour elle : une image sonore cristalline et parfaitement mise en place (on a l’impression de voir la musique, de pouvoir la toucher), des timbres hyperréalistes gorgés de couleurs et, surtout, une dynamique foudroyante qui vous décoiffera (la grosse caisse dans le Sacre!). Boulez, dans ces deux œuvres essentielles, loge davantage du côté analytique et descriptif. D’autres chefs, comme Riccardo Chailly, ont su donner plus de place à la danse, mais seul Boulez réussit à faire preuve d’une telle virtuosité dans l’exécution, en imprégnant à l’orchestre un sens implacable du rythme et de la perfection d’ensemble. Un délice pour tout audiophile qui se respecte.

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