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PRÉAMBULE
Bienvenue dans ma série « trésors de la voûte à vinyle ». J'y présenterai des perles sélectionnées dans ma collection de vinyles d'environ 12 000 pièces, qui ne cesse de croître, accumulée sur une période de 45 ans et plus encore*. Il ne s'agit pas d'une liste typique des « plus grands de tous les temps », mais plutôt d'une visite guidée. J'ai choisi de vous présenter, en les accompagnant parfois d'une ou deux anecdotes, les singles et les albums de ma collection qui me sont les plus précieux, tant pour leur valeur historique que pour l'impact qu'ils ont eu sur mon parcours musical. Afin de couvrir le plus grand nombre d'entre eux, je n'entrerai pas dans le détail de l'histoire du disque ou de sa qualité sonore - pour ces aspects, je vous invite à visiter mon Top 500 SuperSonic List à l'adresse suivante https://soundevaluations.blogspot.ca/.
Les disques seront présentés dans l'ordre chronologique de leur date d'enregistrement ou de leur date de sortie originale, et non de leur date de réédition, ce qui signifie, par exemple, que l'iconique Kind of Blue de Miles Davis ne sera présenté qu'une seule fois, en 1959, malgré ses nombreuses remasterisations et rééditions au fil des ans. En outre, tous les pressages sont américains, sauf indication contraire. Si le terme « mono » n'est pas indiqué, considérez qu'il s'agit d'une version stéréo ou que la version stéréo est mon choix de facto entre les deux. Continuons, voulez-vous ?
27- Sonny Rollins - Saxophone Colossus.
Prestige - PRLP 7079 (mono) (1957, avr.), DCC Compact Classics LPZ-2008 (1995), 33 1/3 rpm. Genre : jazz, hard bop, ballades bluesy, cool vibes, influence calypso.
Souvent cité comme l'album phare de Sonny Rollins, Saxophone Colossus est un véritable tour de force, démontrant l'ingéniosité créative, la puissance dynamique et la virtuosité du saxophoniste ténor. Parmi ses cinq morceaux, on retrouve trois compositions originales de Rollins, notamment la célèbre « St. Thomas », inspirée du calypso. Bien que je ne sois pas un grand amateur de calypso, cet élément musical reste discret, n'apparaissant que dans le riff principal de « St. Thomas ». Le morceau prend véritablement son envol après deux minutes et demie, lorsque Max Roach s'illustre avec ses toms et sa caisse claire. Sonny débute le solo, suivi par Tommy Flanagan au piano, avant une coda qui revient au thème calypso. « You Don’t Know What Love Is » est une splendide ballade bluesy et sensuelle, offrant un timbre de ténor exceptionnel comme seuls Sonny Rollins ou peut-être Coleman Hawkins peuvent en produire. Dans « Strode Rode », Rollins déploie toute la puissance de son souffle et de sa technique, se lançant dans un solo captivant au-dessus de la ligne de basse en walking de Doug Watkins. « Morita », le titre original allemand du célèbre standard « Mack the Knife », est ici interprété dans un style bop swing à tempo modéré. Enfin, « Blue 7 » capture une ambiance blues cool, avec comme point culminant un solo de batterie impressionnant de plus de deux minutes. Rudy Van Gelder a enregistré cet album en juin 1956 dans son studio de Hackensack, New Jersey. Bien que l’enregistrement ne soit pas parfait, il compte parmi les bons crus de Van Gelder, avec une présence, une dynamique et des détails remarquables, et une réverbération généreuse sur le saxophone et la batterie. Comme souvent avec ses productions, les fréquences et le volume du piano et de la basse sont légèrement atténués. Je ne possède pas de pressage original de Prestige, mais j’ai l’excellent remastering réalisé par Steve Hoffman et Kevin Gray pour DCC en 1995. Comparé à l’OJC de 2011 (qui arbore un marquage Hoffman-Gray effacé dans la cire morte), le DCC sonne légèrement plus détaillé, mais la différence est minime, l’OJC offrant une chaleur subtile qui m’a presque fait le préférer au 180 g de DCC. Je n’ai pas encore écouté le pressage Analogue Productions de 200 g de 2013, gravé par Kevin Gray, ni la réédition de 180 g d’AP sortie en 2022.
28- Nat King Cole et son trio - After Midnight.
Capitol Records - W-782 (mono) (1957, janv.), Analogue Productions APP 782-45 (2010), (3×45 tr/min), 180g. Genre : jazz, swing en petit ensemble, ballades.
J'adore cet album « NKC », tant pour ses chansons que pour sa sonorité exceptionnelle. Bien que souvent connu pour ses magnifiques ballades en tant que chanteur, Nat King Cole a en réalité commencé en tant que pianiste dans un trio sur ses premiers enregistrements en 78 tours dans les années 1940. Ici, le terme « trio » est un peu trompeur, car son groupe habituel – Nat au piano et au chant, accompagné de John Collins à la guitare, Charlie Harris à la basse et Lee Young à la batterie – est enrichi de contributions alternées d'Harry Edison à la trompette, Willie Smith au saxophone, Juan Tizol au trombone, Stuff Smith au violon et Jack Constanzo aux bongos. L'ingénieur du son John Kraus a accompli un travail remarquable dans les studios légendaires de Capitol, fraîchement ouverts à Hollywood, Californie, où cet album a été enregistré en août et septembre 1956. Les 19 morceaux sont tous des bijoux. Je ne possède pas de pressage original, mais cette réédition en 3 LP, masterisée et gravée en mono à 45 tours par Kevin Gray et Steve Hoffman pour Analogue Productions, est, selon moi, inégalable en termes de transparence et de vitesse dynamique. Mon seul reproche porte sur l'emballage : les trois disques sont contenus dans une pochette à fente unique, ce qui rend leur insertion un peu délicate.
29- Miles Davis Quintet - Cookin’ with the Miles Davis Quintet.
Prestige - PRLP 7094 (mono) (1957, juillet), Analogue Productions - APJ 035 (1996), (1 of 5 LP box set), 33 1/3 rpm. Genre : cool jazz, hard bop, ballades.
Nouvellement signé chez Columbia mais encore sous contrat avec Prestige, Miles Davis organisa deux sessions mémorables au studio de Rudy Van Gelder à Hackensack, dans le New Jersey, la première en mai et la seconde en octobre 1956. Ces sessions fournirent le matériel pour quatre albums aux titres terminant par le suffixe « -in’ » : Cookin’, Relaxin’, Workin’, et Steamin’. Ces disques furent publiés à des intervalles de 8 à 18 mois. Le personnel – John Coltrane au saxophone, Red Garland au piano, Paul Chambers à la basse et Philly Joe Jones à la batterie – formait la base du First Great Quintet de Davis. Tous furent capturés en mono par Rudy Van Gelder, principalement lors de prises live en studio. J’ai découvert Cookin’ pour la première fois au milieu des années 1990, lorsque Analogue Productions a sollicité Doug Sax, Gavin Lurssen et Ron Lewter pour remastériser et graver l’album avec une électronique à tubes au Mastering Lab de Los Angeles, dans le cadre de ses premières rééditions audiophiles jazz. L’album débute tout en douceur et en intimité avec la reprise par Miles de « My Funny Valentine », une chanson de 1937 devenue un standard du jazz grâce à Chet Baker lors de son passage avec le Gerry Mulligan Quartet en 1953. Quelques années plus tard, à Montréal, j’ai croisé par hasard mon « némésis », qui m’a vendu un coffret The Great Prestige Recordings 5 LP [APJ 035] du Miles Davis Quintet, sorti en 1996, pour 200 $. Les disques, remastérisés et gravés par Stan Ricker, incluaient une version de Cookin’ avec un poids dans les basses légèrement supérieur à celle de Doug Sax. J’ai eu l’occasion de comparer la version de Ricker avec la version double 45 tours de Steve Hoffman et Kevin Gray pour Analogue Productions [AJAZ 7094], réalisée en 2003. Cette dernière l’emporta grâce à une clarté et une dynamique encore supérieures.
30- Miles Davis Quintet - Relaxin’ with the Miles Davis Quintet.
Prestige - PRLP 7129 (mono) (1958, mars), Original Jazz Classics - OJC-190 (2011 et 2020), 33 1/3 tr/min. Genre : hard bop, cool jazz, ballades.
Relaxin’ est de loin mon album préféré de Davis parmi les sorties Prestige mentionnées précédemment. Enregistré en mai et octobre 1956, et publié en mars 1958, il propose trois morceaux par face. Tous sont remarquables, avec une mention spéciale pour la composition de Sonny Rollins, « Oleo », qui ouvre la deuxième face. C’est la pièce la moins relaxin’ et la plus excitin’ de l’album. L’interaction spontanée entre Davis et ‘Trane, tandis que Chambers explore librement le manche de sa basse et que Joe Jones entre et sort du jeu, est absolument enticin’! (Désolé, c’était plus fort que moi.) Je me souviens avoir aperçu l’édition double 45 tours de 2003 par Analogue Productions, gravée par Kevin Gray et Steve Hoffman, lors du salon HiFi annuel de Montréal à l’époque. Elle se vendait environ 90 $, mais je ne l’ai pas achetée. Quelle erreur ! À la place, j’ai choisi une réédition Ella Fitzgerald / Cole Porter sur Speakers Corner [MG V-4001-2]. Autant dire que je m’en suis voulu après coup. La première version qui m’a fait découvrir cet album de jazz majeur était la version de Stan Ricker incluse dans mon coffret Prestige 5 LP décrit précédemment. Je la trouvais excellente… jusqu’à ce que j’entende la réédition très abordable OJC [OJC-190] de 2020, qui la surpassait à tous les égards, notamment en matière d’aération dans les hautes fréquences, où le pressage de Ricker semblait nettement plus terne. J’ai également eu l’occasion de comparer le pressage de Ricker avec la version plus onéreuse de 2022 par Craft Recordings en ‘one-step’ [CR00227], gravée par Bernie Grundman. Cette dernière offre des aigus bien définis, mais manque d’extension dans les basses. En conclusion, parmi ces trois pressages, c’est la version la moins chère qui s’est avérée la plus satisfaisante sur le plan sonore. Parfois, la chance nous sourit !
Pour en savoir plus sur Claude Lemaire, visitez...
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*Je m'en voudrais de ne pas mentionner que je partage certains de ces 12 000 disques avec un autre chasseur de vinyles, un co-conspirateur et un ami de toujours.
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Liste de référence (singles, albums et étiquettes) :
Sonny Rollins - Saxophone Colossus. Prestige - PRLP 7079 (mono) (1957, avril), DCC Compact Classics LPZ-2008 (1995), 33 1/3 rpm. Genre : jazz, hard bop, ballades bluesy, cool vibes, influence calypso.
Nat King Cole et son trio - After Midnight. Capitol Records - W-782 (mono) (1957, janv.), Analogue Productions APP 782-45 (2010), (3×45 rpm), 180g. Genre : jazz, swing en petit ensemble, ballades.
Miles Davis - Cookin’ with the Miles Davis Quintet. Prestige - PRLP 7094 (mono) (1957, juillet), Analogue Productions - APJ 035 (1996), (1 of 5 LP boxset), 33 1/3 rpm. Genre : cool jazz, hard bop, ballades.
Miles Davis - Relaxin’ with the Miles Davis Quintet. Prestige - PRLP 7129 (mono) (1958, mars), Original Jazz Classics - OJC-190 (2011 et 2020), 33 1/3 rpm. Genre : hard bop, cool jazz, ballades.
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