"Diving into Disco", une série en sept parties écrite par Claude Lemaire, rédacteur de PMA, est une série méticuleusement documentée et agrémentée de photos rares que nous sommes ravis de réintroduire auprès d'un public plus large. Une lecture parfaite pour tous ceux qui sont curieux de connaître les débuts de la culture disco.
Bonjour, je m'appelle Claude et je suis... un accro au disco. Voilà, c’est dit. Ce n'était pas si terrible après tout. À vrai dire, je n'ai jamais hésité à admettre à quiconque veut l’entendre ma dépendance au disco. J'ai toujours été un membre à part entière de la brigade disco, mais d'après ce que m'ont dit des amis et des connaissances, le choix d'une identité musicale n'était pas si facile pour nombreux amateurs de musique et d'audio qui, plus jeune, se sont sentis déchirés ou tourmentés par la pression de leurs pairs de devoir choisir un camp plutôt qu'un autre. En effet, en tant qu’adolescent dans les années 1970 et au début des années 1980, le monde était catalogué comme étant soit un freak, un rocker, un mods, un punk, un new waver, ou, comme dans mon cas, un fan de disco.
Par chance, en vivant sur mon île déserte métaphorique entourée de fortes marées, j’ai pu explorer et naviguer les courants culturels concurrents de l'époque. Je pense que beaucoup de jeunes hétérosexuels hésitaient à embrasser ouvertement le disco, préférant rester dans le placard, musicalement parlant. Comme le genre était étroitement associé à la sous-culture gay, certains craignaient peut-être de voir leur masculinité remise en question par les autres étudiants.
Le mouvement de fierté prit forme parallèlement au mouvement de libération gay, lui-même alimenté par les émeutes de Stonewall en juin 1969. Par hasard cela se produisit en même temps que l'essor des clubs underground et des discothèques clandestines.
Si les émeutes de Stonewall avaient eu lieu dix ans plus tôt, la musique de l'invasion britannique plutôt que le disco aurait pu servir de bande sonore à la lutte des homosexuels. En d'autres termes, vous pouvez vous sentir à l'aise dans votre virilité tout en continuant à aimer le disco.
L'industrie musicale a toujours été très réticente à considérer le disco comme une forme d'art légitime. Alors que le classique, le jazz et le rock ont historiquement été convoités par les critiques et décriés comme des classiques du genre, le disco semble souffrir du syndrome de Rodney Dangerfield - il "n'obtient aucun respect". Cela peut être dû en partie au fait que, contrairement aux genres précédents, le disco n'avait pas de mégastars ni de héros culte, n’arborait pas de personnalités complexes ou de comportements turbulents se terminant par des histoires tragiques pouvant être diffusées ad nauseam dans les journaux et à la télévision. Au contraire, à l'exception de quelques divas du disco, il s'agissait d'un milieu principalement dirigé par des producteurs, avec de la musique construite couche par couche en studio plutôt qu'en direct sur scène. On pourrait inviter à la comparaison la scène du jazz, où l'ère du big band swing reflétait un format bien plus contrôlé, centré sur la triade compositeur-arrangeur-ensemble musicale. Tandis que dans l'ère bebop qui a suivi, les musiciens et les artistes improvisaient dans leurs performances en direct, faisant d'eux le centre de l'attention.
Un autre mythe que nous devons démystifier est que le disco n'a aucune valeur intrinsèque, qu'il s'agit d'un produit de fast food music, jetable et vite oublié. En réalité, il existe un grand nombre de chansons disco classiques qui, comme un bon vin, ont vieilli avec élégance - et non, je ne parle pas ici de « Dancing Queen », « Y.M.C.A » et « I Will Survive ». Le problème est qu'à l'époque pré-internet, il n'y avait que deux moyens de diffusion disponible pour obtenir de la musique : la télévision et la radio. Dans le cas de la première, il n’y avait que quelques émissions de disco très éphémères qui ont été diffusées pendant l'apogée du genre. Tandis que dans le cas de la seconde, du moins en ce qui concerne l'endroit où je vivais, une seule station FM - CKMF 94,3 Montréal - jouait du disco, de 17h à 20h en semaine et de 21h à 3h le samedi, de 1976 à 1982.
Comparez cela avec CHOM 97.7 de Montréal, qui a été entièrement rock 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, à partir de 1969, et qui diffuse toujours un mélange de nouveautés et de classiques. Cela permet de comprendre comment les mentalités et la culture peuvent être façonnées et perdurer. Imaginez maintenant un instant que nous ayons eu une station orientée disco/danse 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, qui aurait donné et donnerait encore autant de temps d'antenne à Donna Summer et Barry White que Pink Floyd et Led Zeppelin ont reçu. Il est probable que la musique disco aurait reçu plus de ce quoi Aretha n'a cessé de prêcher, du R.E.S.P.E.C.T. !
Le disco est souvent dénigré pour ses paroles simplistes et répétitives. Je n'ai rien à redire à ce sujet. En gros, on peut condenser les thèmes et les paroles favoris du genre comme suit : babe, baby, boogie, booty, dance, dancing, disco, get down, get up, love, lust, & sex. De la même manière qu'on n'achète pas un album de Bob Dylan pour son étendue vocale, ni un album des Ramones pour sa virtuosité guitaristique, nous n’apprécions pas un morceau de disco pour sa prose ou son contenu lyrique. Il n'y a pas de sens profond caché dans « Push Push In the Bush » de Musique. Par contre, James Brown peut répéter un million de fois « Get Up, Get On Up », « Soul Power » et « Hot Pants » dans une seule chanson pour créer un engouement irrésistible. Vous voulez des paroles inspirantes et réfléchies ? Cat Stevens et Carole King vous conviendront mieux - une musique que j'aime également pour ces raisons. Le disco, quant à lui, offre bien d'autres choses : des arrangements luxuriants, des enveloppes sonores progressives, des rythmes entraînants, des vibrations sensuelles, des riffs funky inoubliables et bien d'autres choses encore.
Si vous êtes un passionné d'audio, cela vous donne une raison supplémentaire de vous lancer dans cette aventure. Tout comme le jazz, le disco est généralement très bien enregistré et maîtrisé sur vinyle, bien plus que d'autres genres, mais contrairement au jazz et au rock, les prix sur le marché de l'occasion sont généralement plus bas et même raisonnables, surtout ces dernières années où les prix de revente des vinyles ont grimpé en flèche partout. Veillez simplement à rester à l'écart de la majorité des rééditions et à vous en tenir aux pressages originaux ; en ce qui concerne le disco, à quelques exceptions près, vous ne trouverez pas de rééditions analogiques de qualité de la part des meilleurs labels de remasterisation tels que MoFi et Acoustic Sounds - ils ne s'adressent pas à ce marché de niche plus restreint. Je pense qu'il est grand temps de donner à ce genre négligé la place qui lui revient, et de lui permettre de prendre une place honorable dans l'histoire de la musique.
Dans le prochain chapitre, nous examinerons les multiples racines du disco. J'espère que vous monterez à bord du train disco pour un voyage passionnant. Tous à l'abooooard !
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