À peine adolescent, j'écoutais mes tout premiers albums sur une énorme console stéréo de type modèle de plancher. Elle était placée bien en évidence à l'avant du salon, dans notre maison du South Side de Chicago. Ma sœur aînée l'avait achetée pour ma mère comme cadeau d’anniversaire en 1971. Elle lui avait coûté cinq cents dollars et était majestueuse à contempler. Elle magnifiait mon amour de la musique en la rendant aussi merveilleuse que la console l’était elle-même. C'était il y a un demi-siècle et quelque chose d'autre se produisit cette année-là, ce qui allait changer ma vie à jamais. Je l’ignorais encore à l'époque ; la sortie du classique deuxième album de Carole King : Tapestry.

Quatre ans plus tard, je commençais une collection de disques, lorsqu’à quatorze ans, je mis la main sur quelques 33 tours usagés lors d'un échange entre un ami d'école et moi : ma collection de cartes de hockey contre ses albums usagés, dont certains n'avaient même plus de pochettes. Parmi ces vinyles, il s’y cachait toutefois Tapestry de Carole King de 1971, la même année ma mère a reçu sa console stéréo. Produit par l'impresario rock Lou Adler, l’album était publié par Ode Records.

J'ai de bons souvenirs d'être assis à côté de la console de ma mère, pratiquement tous les jours pendant ma première année de secondaire, à faire mes devoirs pendant que Tapestry jouait. J'étais hypnotisé chaque fois que je regardais dans ce meuble aussi long que la pièce et en voyant tourner le disque sur le plateau de la platine Morse. Cette massive structure rectangulaire en bois comportait également un bar, un rangement pour les disques, une radio AM/FM, un lecteur de cassettes 8 pistes et une connexion d’entrée 1/4 qui me permettait de brancher ma guitare et d'utiliser le système de haut-parleurs comme amplificateur. Je jouais si souvent de cette stéréo (et parfois si fort) que le haut-parleur de gauche a un jour explosé. Cela ne m'a pas découragé le moins du monde, j'adorais ce système de toute façon. J'avais aussi acquis ma première paire d'écouteurs Radio Shack ; ces énormes casques d’écoute qui engloutissaient mes oreilles et étaient fixées à un long cordon spiralé connecté à la sortie 1/4 du système. C'est donc dans ces circonstances que je baignais quotidiennement dans les vibrations soul de Carole King qui émanaient de ces sillons de vinyle.

Malheureusement, l'album de King a été l'un des nombreux albums qui m'ont été volés par un voisin qui vivait sur ma rue (j'ai toujours su que c’était lui qui l'avait fait). J’étais dévasté. Cet album était l'une des rares choses que je possédais et qui était à moi et moi seul. De plus, mon tout premier album de Jimi Hendrix faisait également partie des albums volés. Par chance, la musique de Tapestry était profondément ancrée en moi, et depuis, je me suis procuré un autre exemplaire d'occasion de cet album. Mais pour me mettre pleinement dans l'esprit de la rédaction de cet article, je me suis procuré un exemplaire neuf, bien scellé de la réédition vinyle 180 grammes de 2016 [Epic 8875170161] comme témoignage de ma profonde affection pour cet album.

Le déposer sur mon actuel système stéréo haut de gamme était d’une justice poétique. Puis, aucun haut-parleur n’a explosé cette fois-ci ! J'ai ravivé ma passion pour l'ensemble de l'album, qui regorge de superbe musique. Il y a tant de choses à aimer parmi les douze titres : de la salve d'ouverture du piano de Carole sur "I Feel The Earth Move" (qui donne vraiment envie de bouger) à la ballade désespérée de "So Far Away". Puis, il y a le hip-shakin' shuffle de "Smackwater Jack", qui était sans aucun doute mon morceau préféré de l’album quand j'étais adolescent. Il y a quelque chose d'irrésistible dans ce ¨groove¨ rebelle combiné à ces paroles de hors-la-loi. Carole nous donne réellement l’impression que ce vieux "Big Jim The Chief" — l’homme d’ordre et de loi qui confronte Smackwater Jack — est un vrai dur à cuire! Ce ¨groove¨ irrépressible et entraînant reproduit parfaitement l'esprit de la gueule de bulldog de Big Jim et de sa bande de justiciers se dirigeant vers le Sud en route pour la capture ultime qui ne sera “jamais publiée dans les journaux”. Et que dire de la complainte lugubre de la chanson "It's Too Late" ? Beaucoup ont pensé que cette chanson parlait de la rupture de Carole avec Gerry Goffin. Mais non, il s'agit en fait de la rupture de Toni Stern, collaboratrice musicale de Carole, avec James Taylor !

  Sur la base de TapisserieLe 14 mars 1972, Carole a remporté les Grammys pour les titres suivants Album de l'année, Le meilleur Interprétation vocale pop féminine, Disque de l'année (pour son single "It's Too Late"), et Chanson de l'année (pour "You've Got a Friend"), faisant de King la première artiste féminine solo à remporter un Grammy Award dans presque toutes les catégories majeures ! Tapisserie est classé # 25 sur Rolling Stone's Liste 2020 des « 500 plus grands albums de tous les temps".

Tapestry est maintenant classé à la 25ème place sur la liste des "500 plus grands albums de tous les temps" de Rolling Stone. Plus récemment, une version numérique d'un extrait des sessions de Tapestry, intitulée "Out In The Cold", a été publiée. C'est dommage qu'elle ne figure pas sur l'album original, car je trouve qu’elle s'intègre parfaitement à l'œuvre. Cette chanson a finalement été incluse comme piste bonus sur la réédition CD de 1999 de l'album et est maintenant disponible en format numérique pour commémorer le 50e anniversaire de Tapestry.

Je sais que la plupart des gens préfèrent la version de James Taylor de "You've Got a Friend", et que la plupart des gens pensent aussi à Aretha quand ils entendent "Natural Woman". Ils pensent aux Drifters quand ils entendent la version classique de "Up On The Roof", et aux Shirelles quand ils entendent "Will You Love Me Tomorrow"; toutes des chansons écrites ou coécrites par Carole King. Carole King a joué le rôle d’architecte original de ces chansons, et de bien d'autres encore, ayant commencé son ascension vers la gloire dès le début des années 60. En ce jour fatidique du 14 mars 1972, Carole King en a profité pour faire plusieurs tours sur la scène du Felt Forum à New York. Les étoiles s’étaient alignées pour que son album légendaire prenne d’assaut la planète.