The Vinyl Beat, édition AXPONA : Les audiophiles veulent juste s'amuser

Rudy Radelic recommande une douzaine d'albums à écouter lors de salons audio. Exposants, êtes-vous attentifs ?

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The Vinyl Beat, édition AXPONA : Les audiophiles veulent juste s'amuser

Rudy Radelic recommande une douzaine d'albums à écouter lors de salons audio. Exposants, êtes-vous attentifs ?


Cet article a été publié pour la première fois dans Copper Magazine de PS Audio, avec lequel nous entretenons un programme d'échange de contenu.

Au moment où ces lignes seront publiées, ce sera le jour d’ouverture du salon AXPONA. Je fais partie de ces visiteurs qui redoutent et attendent ce rendez-vous avec impatience chaque année. J’aime retrouver des connaissances du milieu et revoir des amis de longue date, mais certains aspects du salon me dérangent au point de me demander pourquoi je continue à y aller.

L’un de ces agacements concerne la musique diffusée dans les salles de démonstration. Ce n’est pas la première fois que je me plains de la musique passée dans ces salons – c’est devenu une rengaine annuelle partagée entre mes amis et moi. Un sujet récurrent après l’événement, c’est la qualité – ou plutôt l’absence de qualité – de la musique entendue dans bon nombre de ces salles.

À l’inverse, même sur un système qui n’est pas optimal, une musique plaisante peut me faire apprécier l’ambiance d’une pièce, même s’il s’agit d’un morceau que je découvre totalement.

Je comprends bien que les salles de démonstration ne peuvent pas jouer les DJ et satisfaire toutes les envies musicales des visiteurs, mais si tout ce que j’entends, ce sont ces sempiternels morceaux usés jusqu’à la corde, cela ne m’apprend rien sur la manière dont le système restitue la musique que moi (ou d’autres passionnés) écoutons réellement. Et cela suffit à réveiller le sceptique en chacun de nous : les fabricants et revendeurs choisissent-ils ces morceaux pour flatter les capacités de leurs systèmes, ou évitent-ils sciemment les styles que leurs équipements ne peuvent pas restituer correctement ? Autrement dit, cherchent-ils à dissimuler les faiblesses ?

En outre, une salle qui diffuse de la musique que je n’aime pas me laisse une mauvaise impression, surtout si j’y retourne plusieurs fois au fil du salon et qu’on y passe toujours le même style de musique, voire pire, la même playlist éculée d’une douzaine de morceaux.

Il y a de nombreux genres musicaux dont je suis vraiment lassé. Ces chanteurs « emo » modernes, trop entendus, qui s’expriment sur un accompagnement minimaliste et/ou des basses profondes et boursouflées… Qui écoute réellement ça chez soi ? Et les voix féminines – que je n’apprécie généralement pas, il faut bien l’avouer –, je pourrais très bien me passer d’en entendre une seule pendant tout un salon audio. Je me passerais aussi volontiers des morceaux de rock classique rabâchés, ainsi que des éternels albums de jazz en petit combo, usés jusqu’à la corde et ressortis à chaque salon.

Au moins, nous ne sommes plus dans les années 1980, quand tout ce qu’on entendait dans les magasins audio, c’était The Nightfly.

Je reconnais que, malgré la présence toujours trop envahissante de chanteuses, les deux derniers salons ont au moins élargi leur répertoire avec quelques choix inattendus et bienvenus. Mais il reste encore une belle marge de progression.

Pour lutter contre les tendances dominantes en matière de musique de démonstration audiophile, mon côté un brin rebelle va proposer une sélection de disques vinyles que n’importe quel exposant pourrait apporter à un salon, afin de faire écouter quelque chose que les visiteurs seraient peut-être réellement enclins à apprécier.  

Ceux qui ne jurent que par la lecture numérique peuvent aussi s’en inspirer et rechercher les meilleures versions disponibles de ces titres sur Qobuz ou d’autres plateformes. Cela dit, certaines des meilleures éditions n’existent que sur vinyle.

Voici donc une liste de disques que je ferais tourner à AXPONA si j’étais exposant. Tous présentent de bonnes qualités sonores, et surtout, de la vraie musique, agréable à écouter.

Gerald Wilson Orchestra : Moment of Truth (réédition Pacific Jazz / série Tone Poet)

Pourquoi est-ce que je n’entends presque jamais de musique de big band dans les salons audio ? Cette réédition de la série Tone Poet est une vraie pépite. Bien que l’enregistrement remonte à plusieurs décennies, il a retrouvé un coup de neuf grâce au remastering de Kevin Gray. Les sections de cuivres, puissantes, sont mises en valeur sans jamais devenir envahissantes. Wilson était un arrangeur et chef d’orchestre de haut vol, souvent oublié lorsqu’on évoque les grands noms du jazz en big band.

Henry Mancini and His Orchestra : Uniquely Mancini (RCA Victor LSP-2692)

L’un des meilleurs albums de jazz pour big band signés Mancini. L’enregistrement est bien supérieur à celui de son successeur, au son étouffé et congestionné, Mancini ’67. Uniquely Mancini regorge de superbes sonorités qui vibrent dans les sillons. Lancez « Banzai Pipeline » et prouvez au monde que ce gars sait vraiment swinguer, tout en vous laissant renverser par une partition de cuivres absolument décoiffante.

Remarque : une année, en passant devant l’une des salles, j’ai entendu le thème original de The Pink Panther joué à plein volume. Un pur moment de perfection ! Dans le même esprit, je recommande aussi la version 45 tours éditée par Analogue Productions de la bande originale de The Pink Panther, si jamais un exemplaire propre de Uniquely Mancini est introuvable – les deux ayant été enregistrés à la même époque.

Tito Puente : Mambo Diablo (Concord Picante, réédition Craft Recordings)

La musique d’Amérique latine est un genre que je n’entends jamais dans les salons audio. Avec ses cuivres éclatants et ses percussions tranchantes, c’est un type de son qui met souvent les systèmes à rude épreuve. Tito Puente a enregistré plus de 100 albums au cours de sa longue carrière. L’un des labels sur lesquels il a publié dans ses dernières années est Concord Picante, pour lequel il a signé plusieurs albums. Celui-ci, comme beaucoup d’enregistrements du label, est propre et bien capté. Il offre une belle aération autour de l’ensemble (une formation à trois cuivres) et des percussions – notamment les timbales relevées de Puente – tandis que le mastering de Kevin Gray atténue l’agressivité de l’édition CD d’origine. Musicalement, c’est l’un des grands moments de Puente chez Concord, avec en prime la participation de George Shearing sur deux morceaux.

Béla Bartók : Musique pour cordes, percussion et célesta / Esquisses hongroises, Fritz Reiner / Chicago Symphony Orchestra (RCA Victor / Classic Records LSC-2374)

Fritz Reiner a dirigé deux albums consacrés à la musique de Bartók. Le Concerto pour orchestre a été enregistré en 1956, avant l’arrivée des disques stéréo chez RCA (il a été réédité en version stéréo en 1958). Le second, présenté ici, date de 1960. Et le son de ce disque, vieux de 65 ans, est tout simplement fantastique ! Il prouve qu’avec trois micros bien placés, on peut obtenir une image sonore fidèle et précise. On perçoit clairement le placement des musiciens, aussi bien en profondeur qu’en largeur. Dans certaines parties du deuxième mouvement (« Allegro »), on entend parfaitement le passage d’un motif d’une section à une autre. Il y a environ cinq ans, j’ai mis la main sur un exemplaire scellé de cette réédition Classic Records, aujourd’hui introuvable, et je ne l’ai jamais regretté. C’est l’un des meilleurs enregistrements de démonstration en musique classique que j’aie entendus à ce jour.

Metallica : Load (Warner Brothers 523504-1 ; Metallic 45 RPM Series)

Il arrive qu’on entende un peu de métal (rock) à AXPONA, mais c’est rare. Ce n’est pas au goût de tout le monde — et clairement pas du mien. Pourtant, on m’a offert un exemplaire de la réédition en 45 tours de Load de Metallica. Sortir cet album sous ce format, réparti sur quatre vinyles, relevait franchement de l’absurde. Mais quelle claque sonore ! Faites tourner ce disque sur l’un de ces systèmes audio ultra-sophistiqués du salon et voyez s’ils tiennent le choc face à l’assaut brutal de « Ain’t My Bitch » ou « King Nothing ». Ce disque, je dois le ressentir dans les tripes — et en même temps, pouvoir discerner chaque détail derrière ce mur de son.

Peter Gabriel : Peter Gabriel (IV, aussi connu sous le nom de Security) (Real World Records, remaster 45 tours, 2015)

Certes, c’est un enregistrement numérique, mais la dynamique… ça, c’est quelque chose à vivre sur un système puissant. Faites tourner « Rhythm of the Heat » à bon volume, et vous entendrez vraiment ce que cet album a dans le ventre. Il passe littéralement d’un murmure (« pas de voix extérieures ici ») à un déferlement de percussions. Les autres morceaux sont tout aussi dynamiques. Le label Real World de Gabriel a réédité cet album en coffret 2 LP 45 tours il y a plusieurs années, et je l’apprécie autant que le SACD.

Dire Straits : Love Over Gold (Warner Bros. 47772-1, remasterisation 2010)

Cet album ne souffre pas du son numérique trop stérile de Brothers in Arms (ce qui m’a toujours dérangé). Les multiples évolutions de « Telegraph Road » et les vastes espaces sonores de « Private Investigations » en font deux morceaux parfaitement adaptés à une démonstration. La version que je possède est la réédition Warner gravée par Chris Bellman en 2010, et elle a été une vraie révélation par rapport au CD original que j’écoutais depuis des décennies (qui, pourtant, tenait déjà bien la route).

INXS : Kick (Atlantic/Analogue Productions, Atlantic 75 series 45 RPM)

Si un système n’est pas capable de faire groover cet album, alors moi non plus — et je ne passerai pas un bon moment. Certes, c’est de la pop grand public taillée pour les hits-parades, mais le son de la version 45 tours est capable de faire trembler les poutres et de pousser un système dans ses retranchements. « Devil Inside » et « Need You Tonight » sont particulièrement dynamiques et percutants, avec des basses que l’on peut ressentir — à condition d’avoir le bon système, bien sûr.

Howard Roberts : H.R. is a Dirty Guitar Player (Capitol Records ; réédition Sundazed/Euphoria, 2012)

Typique des albums de jazz léger sortis chez Capitol à l’époque, chaque morceau ici dépasse rarement les trois minutes. Mais le célèbre guitariste de studio de Los Angeles, Roberts, tire le meilleur parti de ce format, épaulé par Burkley Kendrix à l’orgue. Ce que j’aime particulièrement, c’est la pureté et la clarté du son de sa guitare électrique, mais aussi la propreté et l’ampleur du rendu de ce combo. J’adore la musique, bien sûr, mais je reviens aussi à ce disque simplement parce qu’il sonne terriblement bien.

Kraftwerk : Computer World (Warner Bros., version originale)

Je ne connais pas de réédition récente de ce disque, mais je le possède depuis sa sortie en 1981. (Je viens de repérer quelques rééditions japonaises de 2024 sur Discogs - Ndlr). Notre station de radio locale de funk/R&B/danse était à Ce disque, et les morceaux "Numbers" et "Pocket Calculator" ont été joués en rotation. Même sur vinyle, les transitoires des synthétiseurs ressortent clairement, et de nombreux systèmes qui tendent vers le côté chaud et gluant ne rendront pas justice à ce disque. Et, bien... je pense que même notre rédacteur en chef sera d'accord pour dire que c'est tellement amusant à écouter ! (et vous avez raison, c'est l'un de mes cinq meilleurs albums pour une île déserte - Ndlr).

Earth, Wind & Fire : Raise (ARC/Columbia Records, version originale)

Je possède toujours mon exemplaire original de ce disque, sorti en 1981. Bien que ce ne soit pas, musicalement parlant, leur meilleur album, l’ingénierie sonore y est remarquable : les coups de grosse caisse claquent sévèrement, et les lignes de synthé du tube « Let’s Groove » constituent un excellent test pour les transitoires. Le mixage est plutôt en avant, donc les systèmes avec ne serait-ce qu’un soupçon de brillance risquent de se faire démasquer. Comme pour mon choix d’INXS, si un système n’est pas capable de (comme le dit si bien Maurice White) « boogie on down », je me demande bien ce qu’il ne saura pas faire d’autre.

George Benson : Give Me the Night (Warner/Qwest ?)

Ce disque, produit par le regretté et génial Quincy Jones, est d’une grande propreté sonore, malgré son enregistrement en numérique à ses débuts (ce qui lui enlève un peu de vie — le rendu peut paraître légèrement stérile). J’utilise ce disque parmi mes favoris pour écouter la voix de Benson. En raison de la manière dont elle a été captée ici, elle présente une certaine « chaleur de coffre » qui met en évidence les résonances des caissons d’enceintes, et peut aussi servir à peaufiner l’acoustique d’une pièce. J’ai d’ailleurs vécu cette expérience en personne dans les années 1980, en écoutant ce même disque sur une paire d’enceintes Dahlquist/Magnat série DQM dans un magasin audio local — la pièce résonnait de partout à cause de cette fameuse résonance dans la voix de Benson !

C’est déjà une bonne liste pour commencer. Et je laisse volontairement de côté une bonne douzaine d’autres disques que je pourrais aussi recommander. Quoi qu’il en soit, voilà quelques suggestions pour améliorer la musique diffusée lors des démonstrations dans les salons audio. Exposants, vous prenez des notes ?

Reproduit avec l'autorisation de l'auteur. Pour plus d'articles comme celui-ci, visitez Copper Magazine.

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