Serez-vous musicoresponsable?

Serez-vous musicoresponsable?


Il y a plus de 30 ans, la notion de développement durable et d’achat écoresponsable prenait son envol. Issu du rapport Brundtland déposé aux Nations Unies, ce concept un peu avant-gardiste à l’époque a changé profondément notre manière de consommer.

C'est ainsi qu'est né le commerce équitable, considéré à l'époque comme avant-gardiste, qui a institué un ensemble de politiques couvrant le monde entier et modifiant à jamais les normes que nous utilisons pour acheter et consommer des biens. Aujourd'hui, nous sommes plus enclins à nous interroger sur la provenance du produit : est-il respectueux de l'environnement ? Le travailleur qui a participé à sa fabrication était-il en âge de travailler et rémunéré équitablement pour son travail ? Pour beaucoup d'entre nous, ces questions font désormais partie du processus d'achat.

Je pense que le monde de la musique a grand besoin d'un rapport Brundtland ou, à tout le moins, d'une révision majeure de la manière dont les revenus de la musique sont répartis. Il y a quelques semaines, je suis tombé sur des statistiques troublantes. Selon les chiffres analysés par la société de collecte de statistiques Statistica, les ventes d'albums physiques aux États-Unis ont chuté de 18,7 % entre 2018 et 2019. En 2013, les ventes se sont élevées à 289,4 millions d'unités, ce qui représente une baisse drastique par rapport aux 331 millions d'unités vendues en 2011. Au total, les ventes d'albums de musique aux États-Unis ont chuté de 500 millions d'unités vendues en 2007 à moins de 170 millions d'unités vendues en 2017, un chiffre qui aurait été bien pire sans la résurgence des ventes de disques vinyles (qui l'aurait deviné il y a dix ans ?). Si la baisse est moins prononcée pour les téléchargements d'albums et de pistes numériques, les ventes continuent de diminuer année après année. Inquiétant, non ?

Au vu de ces chiffres, il est évident que l'artiste d'aujourd'hui dépend beaucoup de sa capacité à tourner pour vivre de son art et, par extension, nous en faire profiter. Mais avec la pandémie, les sources de revenus provenant des spectacles locaux ou nationaux sont pour le moins minces, voire inexistantes.

Que faisons-nous donc pour soutenir nos artistes et la nouvelle génération musicale ? Il semblerait que ce ne soit pas suffisant. Le streaming a représenté 79 % des revenus de l'industrie musicale américaine en 2019, contre 75 % un an plus tôt.

Voici quelques statistiques concernant les versements octroyés aux artistes par ces services de streaming:

*mensuel
Streamer Bryston BDP-3
Streamer Bryston BDP-3

Ces chiffres sont alarmants pour les artistes œuvrant dans des genres dit populaires, mais ils le sont encore plus pour ceux et celles qui performent dans le jazz et la musique classique.

Ne vous méprenez pas. Le but de cette chronique n'est pas de dénigrer les services de streaming. En effet, le streaming est un excellent moyen de découvrir de nouveaux artistes et de nouveaux genres musicaux. C'est grâce au streaming que des groupes comme Elbow, London Grammar et Cigarettes After Sex sont venus enrichir ma collection de musique. Et, à vrai dire, je suis abonné à plusieurs services de streaming : Spotify, Apple Music, Primephonic, Qobuz, Tidal et Amazon HD. La vérité, c'est que le streaming offre un niveau de choix et de commodité inégalé. Il n'est plus nécessaire de stocker notre musique sur des disques durs et des cartes SD. 60 000 000 titres sont désormais accessibles depuis notre ordinateur portable pour la modique somme de $15 par mois en moyenne, soit moins que les $20.00 que coûtait l'achat d'un CD dans les années 90. Pourquoi payer plus cher quand le monde de la musique enregistrée est à portée de main ?

Cocktail Audio X45 Pro Music Player/DAC
Cocktail Audio X45 Pro Music Player/DAC

Malheureusement, le modèle actuel de rémunération provenant du streaming est non viable pour plusieurs de nos artistes, surtout qu’en pandémie, ils n’ont plus les tournées et spectacles comme sources de revenus supplémentaires.

Alors que peut-on faire? Nous connaissons déjà certaines solutions: s’abonner aux séries de concerts virtuels ou à tout le moins assister aux prestations en ligne d’artistes en échange de quelques dollars. À ça, nous pouvons ajouter l’achat de marchandise (merch) officielle de l’artiste, et pourquoi pas signer notre nom sur toutes pétitions qui exigent aux compagnies de streaming de compenser l’artiste adéquatement. Mais surtout, et malgré la praticité qu’offre le streaming, si nous ajoutions tous de temps à autres quelques disques supplémentaires à notre collection, physiques ou téléchargées, le balancier se retrouverait dans une bien meilleure position.

La façon dont nous consommons la musique aujourd'hui a un effet direct sur la musique de demain, qu'il s'agisse de soutenir les artistes, d'aider à développer de nouveaux genres musicaux, d'enrichir notre culture nationale, mais aussi d'initier les gens à une meilleure reproduction audio. À l'heure actuelle, aux États-Unis et au Canada, seuls Deezer, Tidal, Qobuz, Amazon et bientôt Spotify offrent un son de qualité CD.

Alors, serez-vous musicoresponsable?

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