Une des choses qui m'impressionne le plus chez Claude Lemaire, collaborateur de PMA Magazine, c'est sa connaissance encyclopédique de la musique populaire. S'il y avait une édition du jeu télévisé Jeopardy! entièrement axée sur la minutie de qui a fait quoi sur un enregistrement, je suis convaincu que Claude aurait une chance légitime d'être intronisé au Hall of Fame de Jeopardy! pour la durée de sa série de victoires.

Claude est également un fanatique de vinyles. Il a environ 12 000 disques microsillons qui tapissent le mur d'une chambre à coucher ou, s'il s'agit de disques de collection - lire, de disques coûteux - ils sont rangés dans des casiers à disques dans sa salle d'écoute au sous-sol. Son affection pour le format LP s'étend à son ancien travail de DJ, mais même lorsqu'il s'agissait de mixer, la qualité du son était importante pour Claude. Il s'est toujours tourné vers les pressages les plus performants.

Il n'a jamais adopté le format CD. Il trouvait que les CD avaient l'air froid et que leur son reflétait leur aspect visuel. « Je n'aimais pas qu'ils soient petits et argentés. Et je n'aimais pas les boîtes à bijoux en plastique ni le fait qu'en tant que DJ, je ne pouvais pas mixer avec des CD, du moins à leur début, avant que les lecteurs pour DJ évoluent. Alors quand les gens se débarrassaient de leurs vinyles pour les CD, j'ai acheté autant de vinyles que possible ». Me regardant d'un air perplexe, il ajoute : « Comment peut-on s'attacher émotionnellement à un CD ? »

La couleur joue également un rôle dans le choix des microsillons de Claude. « J'ai toujours préféré les vinyles noirs. Je n'aime pas quand ils enlèvent le carbone et que ça ressemble à de l'acrylique. Je n'aime pas beaucoup non plus les disques de couleur. Ils ne sonnent pas aussi bien, et si leur couleur est trop claire, on peut voir le revers du disque, ce qui rend difficile le repérage des pièces musicales. »

Il se trouve que Claude est un de mes amis - il habite à 30 minutes en voiture de chez moi - mais lorsqu'il a proposé de participer à cette chronique, j'ai hésité, pour deux raisons : son système est une combinaison de produits vintage et bricolés difficiles à trouver. Je n'étais pas sûr qu'un tel système conviendrait à cette chronique, dont l'objectif est en partie de présenter des produits afin que les personnes susceptibles d'être intéressées par leur acquisition puissent raisonnablement le faire. Deuxièmement, Claude est, comment dire, un peu à part en matière de « tweaks ». Il évite la plupart des modifications traditionnelles et préfère utiliser des morceaux de tissu et d'autres matériaux de manière non traditionnelle. En fin de compte, j'ai accepté d'aller de l'avant avec cet article parce que non seulement le système de Claude sonne très bien, mais aussi parce que cette chronique n'a jamais porté uniquement sur le matériel, mais aussi sur les personnes qui se cachent derrière le matériel. Ma décision m'a toutefois incité, en tant qu'ami, mais aussi en tant que conseiller, à avertir Claude que ses opinions susciteront probablement des réactions peu flatteuses de la part des lecteurs. « Je ne me soucie pas de cela », m'a-t-il répondu avec quiétude.

Ses inclinations subjectives mises à part, Claude n'est pas un poids plume de la technique. Il a une formation en électronique et sait comment concevoir du matériel audio, notamment des platines, des amplis, des préamplis, des haut-parleurs et des filtres. Il est également très au fait des mesures et des principes électriques.

Claude cite deux facteurs qui l'ont aidé à se lancer dans le hobby de l'audio : son père, qui aimait la musique et appréciait le bon son, et qui a encouragé Claude, alors qu'il était préadolescent, à se procurer un système audio décent. Et les clubs qu'il fréquentait, où la qualité du son prenait une importance égale à celle de la musique diffusée. « Dans les années 1970 et au début des années 1980, les meilleurs clubs utilisaient des haut-parleurs JBL de 15 pouces avec des aimants en alnico. Ils avaient un son doux, chaud et charnu qui m'a accompagné toute ma vie. C'est quelque chose que j'ai essayé d'imiter avec mon système. »

Les enceintes de Claude sont basées sur une conception Onken, qui stipule que la surface effective du cône doit être égale à celle de l'évent. En d'autres termes, un cône d'une surface effective de 38 pouces carrés (environ celle du cône du woofer de 8 pouces dans chacune des enceintes de Claude) doit être flanqué d'une surface totale d'évent de 38 pouces carrés, répartie sur le baffle. Claude ne respecte pas tout à fait ce rapport 1:1, mais le principe est similaire. Le plus important dans la conception d'une enceinte, dit Claude, est le positionnement des enceintes en fonction de la chaise d'écoute.

La sensibilité des enceintes est évaluée à 93 dB. Elles sont fabriquées en contreplaqué de bouleau baltique, un matériau que Claude préfère au MDF. Chacune utilise un filtre externe, que Claude préfère à un filtre interne. « Vous pouvez modifier et mettre en voix un crossover externe en permanence. De plus, il n'est pas bon d'avoir les pièces d'un crossover à l'intérieur de l'enceinte. Il y a trop de pression d'air et de résonances ». Claude admet qu'il n'a pas modifié le crossover depuis des lustres. « J'ai peur maintenant que si je modifie quelque chose, je perde la magie. »

En ce qui concerne les « tweaks », les versions de Claude sont pratiquement gratuites. Elles consistent principalement en des traitements de la pièce faits de mousse de matelas - le genre que l'on pourrait glisser sous un sac de couchage - et de tapis. Vous les trouverez ici et là - sous le plafond, sur le mur du fond, au pied de chaque enceinte. Ce que j'ai d'abord pris pour des rouleaux de mousse jetés dans les coins étaient en fait des pièges à basses, resserrés et façonnés selon les préférences d'écoute de Claude.

Claude souligne que ses réglages ne sont peut-être pas les plus efficaces qui soient, mais qu'ils fonctionnent parce qu'il passe d'innombrables heures à peaufiner leur emplacement. D'autres réglages concernent les types de chaises qui encadrent celle qui se trouve dans le « sweet spot » et les petits tapis placés devant chaque chaise, qui ne doivent pas se toucher. Ces ajustements affectent principalement les basses fréquences du système - ce que Claude appelle la différence entre un décibel et un demi-décibel à 30 Hz.

Ensuite, il y a le cartable à trois anneaux sur chaque enceinte, rempli d'une « quantité précise de feuilles, pondérée subjectivement à l'oreille », ainsi qu'un super tweeter en métal non relié et un palet en bois placés stratégiquement sur les coins de ses enceintes, censés améliorer l'image et la mise en scène sonore. Derrière les haut-parleurs se trouve une causeuse, placée de façon optimale, sur lequel se trouve un ensemble d’accessoires placés de façon optimale : coussins, boîtes à œufs, tapis plié. « C'est fou, je sais », dit-il. Je lui demande comment il teste ses modifications. « Un test A-B constant », dit-il. « Je m'assois dans le noir, j'écoute et j'utilise une lampe de poche pour tester les “tweaks". »

Il semble y avoir tellement de « tweaks » discrètement dispersés, que je demande à Claude s'il lui arrive de tomber sur un tweak qu'il a oublié avoir mis là. « Peut-être en de rares occasions », répond-il.

La fierté du système de Claude est sa platine, il a participé à son design et sa construction, mais c'est surtout le produit de son ami machiniste/mécanicien, Mario Paradis. Outre son plateau de 30 livres inspiré des platines Verdier, la platine, y compris son bras de 16 pouces équipé d'une cartouche Stanton, est presque entièrement en bois. Pourquoi un bras aussi long ? « Un bras plus long se rapproche plus de la gravure tangente originale du burin graveur. Il y aura moins de distorsion qu'avec un bras plus court. »

Le préampli à tubes est un projet de bricolage construit par un expert en circuits électroniques chevronné, avec la contribution de Claude. Il est livré avec une alimentation externe généreuse, également tubée. Claude m'explique le processus minutieux qu'il a suivi pour trouver les types de tubes nécessaires pour obtenir l'équilibre idéal entre chaleur et détails.

Avec tout ce matériel vintage et bricolé, je demande à Claude s'il ne craint pas de ne pas pouvoir réparer ou trouver les pièces nécessaires en cas de panne. « C'est un compromis », répond-il. « Je préfère troquer l’assurance de pouvoir le réparer à 100% moi-même, contre la qualité du son que j'obtiens. »

Que suggère-t-il à une personne désireuse d'explorer le monde du DIY ? « Il faut savoir ce que l'on fait », répond-il. « Selon les projets, il peut y avoir des tensions élevées en jeu - 300 à 400 volts. Vous pouvez vous blesser gravement. Je suggère de commencer avec un kit, comme mon ampli Audio Note, bien que le mien ait été modifié ». L'Audio Note est un circuit asymétrique - « single ended » en anglais – à tubes. Claude préfère ces derniers aux circuits « push-pull », qui déconstruisent et réarrangent le signal. « Ce qui est génial avec les amplis Audio Note, ce sont leurs transformateurs », dit-il. « Audio Note fabrique les siens et ils sont très bons, surtout ceux de sortie ». En examinant son ampli, je lui demande si l'éponge fourrée entre les pièces du châssis est destinée à absorber les champs magnétiques. « Cela n'a rien à voir avec les champs magnétiques de l'ampli. Je place des pièces de différents matériaux en fonction de la saveur sonore que je veux obtenir à partir du sièges d'écoute. Si je veux un son plus chaud ou plus doux, je vais utiliser du coton, parfois du caoutchouc. Je suis très doué pour avoir l'intuition du matériau nécessaire. Ensuite, il s'agit de trouver où le mettre et en quelle quantité ». « Donc parfois, vous ne savez pas où placer le matériau ? » Je demande. « Exactement », répond-il. « Et parfois, je suis surpris. Je finirai par placer le matériel à un endroit qui, à première vue, pourrait sembler n'avoir aucun sens. C'est à ce moment-là que je dois mettre mon cerveau logique de côté. C'est comme Spock. Il a commencé par être très logique puis est devenu progressivement plus humain. Je suis comme ça. Je suis devenu plus subjectif avec le temps. »

Son avis sur le câblage ? « Cela fait une différence mais il n'est pas nécessaire d'y consacrer des sommes très importantes. Je peux utiliser de l'argent ou du cuivre, mais pour les diélectriques, c'est comme des tweaks. Je regarde les matériaux. Je n'aime pas le plastique, le verre ou l'acrylique. Je suis plus dans le caoutchouc ou le cuir, le coton, quelque chose de plus organique.

« Et j'évite de nettoyer ou de connecter et déconnecter des fils. Je suis contre ça ». Je dois l'avoir regardé bizarrement parce que ses yeux s'élargissent et il dit : « Je crois que dans votre article Cable Guru, vous dites que nettoyer les extrémités améliore le son. Pour moi, cela tue la magie. Je laisse tout ça tranquille. La corrosion, la crasse. Je ne veux pas casser le chemin des électrons qui s'est construit au fil des ans. C'est pourquoi je ne veux pas essayer de nouveaux appareils dans mon système. »

Alors, à quoi ressemble la somme de toutes ces parties ? Après que Claude eut éteint la fournaise, débranché son téléviseur et débranché le congélateur dans l’autre pièce - une routine qu'il pratique avant toute écoute sérieuse - j'ai eu droit à une ribambelle de microsillons bien enregistrés. Dans l'ensemble, j'ai entendu une présentation charnue et vibrante avec une excellente séparation instrumentale et une scène sonore profonde et stratifiée. L'environnement musical était florissant, expressif et transparent, avec un courant sous-jacent chaud et dynamique qui propulsait la musique vers l'avant.

Il y avait un sentiment général de stabilité dans la scène. Les chanteurs et les instruments étaient enfermés dans l'espace et semblaient explicites, d'une manière qui parvenait à transmettre à la fois le cœur de la performance et l'âme de la musique. La capacité inhérente du son à faire ressortir l'humanité d'un enregistrement m'a aspiré à chaque fois.

À la fin de mon écoute, j'ai demandé à Claude ce qu'il aimait le plus dans le son de son système. « Il a du corps, il est charnu, et il groove. »

Je n'ai rien à redire à cela.

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