
L’Amérique a allumé des feux d’artifice. Pac a illuminé le Strip. Le 4 juillet 1996, Tupac Shakur est entré au House of Blues et a transformé un jour férié en capsule temporelle, deux mois avant que le monde ne se referme. Les images sont ensuite devenues Tupac : Live at the House of Blues, la vidéo sur laquelle on clique lorsqu’on veut voir Pac à son apogée, sans filtre de studio et sans la moindre patience pour quoi que ce soit de lent.
La soirée s’est déroulée comme un roadshow de Death Row. L’affiche annonçait 2Pac, mais la chorégraphie avait tout d’une affaire de famille : Pac avec les Outlawz pour ouvrir, K-Ci & JoJo venant ensuite faire grimper la température d’exactement dix degrés, puis Snoop et Tha Dogg Pound avec Nate Dogg pour le segment central, avant que tout le monde ne prenne d’assaut la scène pour un dernier tour de piste victorieux. Ça avançait comme une mixtape qui aurait, par accident, trouvé des jambes. Pas de temps mort. Pas d’hésitation. Pas de détour. Juste le son de l’élan qui paie son loyer.
Le set enchaînait neuf morceaux d’affilée. Il a ouvert avec « Ambitionz az a Ridah », puis a taillé droit dans « So Many Tears », « Troublesome », « Hit ’Em Up », « Tattoo Tearz », « All Bout U » et « Never Call U Bitch Again ». K-Ci & JoJo ont glissé un clin d’œil a cappella à « Freek’n You », se sont lancés dans « How Do U Want It » et ont fait fondre la salle exactement comme prévu. Après le passage de Snoop, Pac est revenu pour le final : « 2 of Amerikaz Most Wanted », épaule contre épaule avec Snoop, Tha Dogg Pound, les Outlawz, Nate Dogg, ainsi que K-Ci & JoJo. Ce fut la dernière chanson qu’il interpréta sur une scène publique — le genre de phrase qui, même des décennies plus tard, tombe comme une brique.

L’un des éléments qui font la singularité de ce moment tient en partie au fait que trois morceaux étaient inédits à l’époque : « Troublesome », « Tattoo Tearz », « Never Call U Bitch Again ». On sent la foule entendre demain en brouillon, ce qui est rare dans n’importe quel genre et presque mythique dans le rap. C’est la sensation de l’histoire qui arrive cinq minutes trop tôt et refuse de rester assise.
Ce qui rend la performance marquante, ce n’est pas la mise en scène, c’est le rythme. Pac traite la scène comme un meeting. Des couplets aboyés depuis le diaphragme, des refrains tendus aux Outlawz comme du verre brûlant, un mouvement constant qui ressemble moins à de la chorégraphie qu’à de la nécessité pure. K-Ci & JoJo font basculer la salle sans casser l’élan. Snoop, Daz et Kurupt embarquent tout le monde dans une glissade G-funk, puis toute la troupe revient pour un final en formation complète. Si vous voulez la chimie live de Death Row dans un flacon immaculé, c’est l’échantillon parfait.
La cassette a pris la route panoramique vers la légitimité. Pendant des années, elle a circulé sous forme de bootlegs et de rumeurs, puis, en septembre 2005, elle est sortie en CD et DVD avec l’intégralité du concert et une pile de vidéos : « California Love (Remix) », « To Live & Die in L.A. », « Hit ’Em Up », « How Do You Want It », « I Ain’t Mad at Cha ». Elle est devenue disque de platine aux États-Unis en tant que vidéo — exactement ce qui arrive quand le bootleg ultime finit par avoir un code-barres.

Le contexte fait le reste. Début 1996, tout n’est qu’accélération. Un nouveau label. Un double album qui se comporte comme un blockbuster estival. Des gros titres qui s’alignent comme des taxis. Deux jours avant le concert, le 2 juillet, il défile sur le podium de Versace à Milan, puis atterrit à Los Angeles et file sur le Sunset Strip. Deux mois plus tard, le 7 septembre à Las Vegas, il prévoit de passer au Club 662 après le combat de Tyson, mais est abattu en route et meurt six jours plus tard. Les images du House of Blues ne sont pas un mémorial. Elles sont l’arrêt sur image de la dernière fois où il a fait ce qui le rendait incontournable.
La raison pour laquelle ce moment perdure est simple. Beaucoup d’artistes laissent derrière eux des catalogues de studio impeccables. Très peu quittent la scène avec un dernier concert qui semble définitif sans jamais chercher à l’être. Celui-ci condense toute sa palette en une quarantaine de minutes survoltées, entouré de l’équipe exacte qui a défini le rap de la côte Ouest au milieu des années 1990. Ce n’est pas ordonné. Ce n’est pas poli. C’est mieux. Brut, rapide, fort, absolument vivant.
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