Le bicentenaire de la symphonie n° 9 de Beethoven

Le bicentenaire de la symphonie n° 9 de Beethoven


À l'occasion du bicentenaire de la Symphonie n° 9 de Ludwig van Beethoven, imaginez la scène : un théâtre plein à craquer à Vienne, le public à bout de nerfs et Beethoven lui-même, presque sourd, debout sur la scène. Il ne s'agissait pas d'un simple début symphonique, mais de l'équivalent musical d'une révolution. Créée le 7 mai 1824, la Neuvième Symphonie a depuis traversé les annales de l'histoire, résonnant de la puissance d'un millier d'orchestres et changeant à jamais le visage de la musique.

La Neuvième de Beethoven est plus qu'une symphonie ; c'est un vaste univers de sons, de sentiments et de pensées, qui résume la vision de l'humanité et de l'espoir du compositeur. L'inclusion d'un chœur dans le dernier mouvement, interprétant l'« Ode à la joie » de Friedrich Schiller, n'est rien de moins qu'un coup de maître - une fusion sans précédent de forces vocales et instrumentales qui a établi une nouvelle norme pour la musique classique. Plus qu'une simple prouesse technique, il s'agissait pour Beethoven d'une audacieuse déclaration de foi en l'idée de fraternité universelle, un message qui continue d'inspirer.

Le voyage vers un chef-d'œuvre

Le parcours de Beethoven jusqu'à la Neuvième symphonie a été long et semé d'embûches. En 1817, il reçoit une commande de la Société philharmonique de Londres pour créer une symphonie qui briserait toutes les frontières. Alors que son audition se détériore, l'ambition de Beethoven ne fait que croître. Sa première « Fantaisie chorale », opus 80, composée en 1808, était une sorte d'essai de mélange de musique vocale et instrumentale - un audacieux précurseur de ce qu'il perfectionnerait plus tard dans la Neuvième.

Au départ, Beethoven avait envisagé de composer deux symphonies distinctes, mais sa vision créative était trop vaste pour être contenue. Il a rassemblé toutes ses idées dans une seule œuvre monumentale qui défie les conventions de son époque. Le dernier mouvement, plus long que tous les autres de la symphonie, est une fusion audacieuse d'éléments choraux et orchestraux qui a laissé le public bouche bée.

Une première pas comme les autres

La première fut un spectacle grandiose. Au théâtre Kärntnertor de Vienne, l'événement a réuni le plus grand orchestre que Beethoven ait jamais rassemblé, un mélange varié de professionnels chevronnés et d'amateurs enthousiastes. Le public était composé de personnalités éminentes, dont Franz Schubert et Carl Czerny, toutes impatientes d'assister à la dernière création de Beethoven. Malgré sa surdité quasi-totale, Beethoven a dirigé l'exécution avec une intensité féroce, ressentant les vibrations de la musique à travers le sol.

Lorsque la dernière note de la symphonie retentit, le public est pris d'un tonnerre d'applaudissements. Beethoven, cependant, était inconscient du bruit jusqu'à ce qu'un musicien le fasse se retourner pour voir l'approbation écrasante de la foule. Ce moment a permis de saisir l'essence de la lutte et du triomphe de Beethoven : un homme coupé du monde des sons, mais profondément connecté à l'esprit humain grâce à sa musique.

Théâtre du Kärntnertor
Intérieur du théâtre am Kärntnertor

L'héritage durable d'une symphonie

L’influence de la Neuvième Symphonie s’étend bien au-delà des salles de concert. Son emblématique quatrième mouvement, l’« Ode à la joie », a été adopté comme hymne de l’Union européenne, témoignant de son message intemporel d’unité et de fraternité. En 1989, quelques mois avant la chute du mur de Berlin, Leonard Bernstein a dirigé une interprétation historique de la symphonie à Berlin, remplaçant le mot « joie » par « liberté » pour marquer cet événement. Cette réinterprétation audacieuse a mis en lumière la capacité de l’œuvre à résonner avec l’esprit de son époque, faisant écho aux aspirations des peuples en quête de liberté et de justice.

Au Japon, la Neuvième Symphonie de Beethoven, ou « Daiku » comme on l’appelle affectueusement, est devenue un véritable phénomène culturel. Chaque mois de décembre, des centaines de représentations sont données, perpétuant une tradition remontant à la Première Guerre mondiale, lorsque des prisonniers de guerre allemands l’ont introduite auprès du public japonais. Aujourd’hui, il n’est pas rare de voir des chœurs de masse réunissant des milliers de chanteurs interpréter cette œuvre, un témoignage éclatant de son pouvoir universel à rassembler les gens dans une célébration commune.

De grands compositeurs et penseurs ont depuis longtemps reconnu la portée exceptionnelle de la Neuvième. Richard Wagner l’a qualifiée de « rédemption de la musique de ses propres limites », y voyant une fusion magistrale de tous les arts – une Gesamtkunstwerk, ou « œuvre d’art totale », qui annonçait l’avenir de la musique. Hector Berlioz a été émerveillé par son originalité, notamment par l’audace d’intégrer des voix à la forme symphonique. « Personne d’autre n’aurait pu l’imaginer », a-t-il écrit. Même des figures modernes comme Leonard Bernstein et Herbert von Karajan ont revisité cette œuvre à maintes reprises, découvrant à chaque fois de nouvelles profondeurs d’émotion et de signification dans son architecture complexe.

L’intégration révolutionnaire des éléments vocaux et symphoniques dans la Neuvième Symphonie, combinée à son puissant message de fraternité et d’unité, a scellé son statut de chef-d’œuvre intemporel. Elle transcende les époques et les frontières, capturant toute la gamme des émotions humaines : du désespoir au triomphe, du chaos à l’harmonie. Ses mélodies continuent de résonner auprès des générations et des continents, tel un phare d’espoir illuminant les heures les plus sombres.

Un hymne universel d'espoir et d'unité

La Neuvième Symphonie de Beethoven est bien plus qu’un simple morceau de musique ; c’est un voyage à travers le vaste paysage de l’expérience humaine. De l’ouverture tonitruante du premier mouvement aux sommets extatiques de l’« Ode à la joie » finale, elle exprime toute la palette des émotions qui définissent notre existence. Jouée pour célébrer la liberté, pleurer la perte, marquer les tournants de l’histoire ou unir les peuples au-delà des clivages, cette symphonie est universelle. Lors des manifestations de la place Tiananmen en 1989, les protestataires ont diffusé l’« Hymne à la joie » par haut-parleurs, un appel à l’unité et à la résistance face à l’oppression.

La Neuvième est également l’unique œuvre musicale incluse dans le Voyager Golden Record, un disque phonographique envoyé dans l’espace en 1977, contenant des sons et des images représentant la diversité de la vie et de la culture sur Terre. Si une vie extraterrestre venait un jour à découvrir le Voyager, elle entendrait les accents de la symphonie de Beethoven et saisirait peut-être quelque chose de fondamental sur l’aspiration humaine à la connexion et à la compréhension.

Alors que nous célébrons le 200ᵉ anniversaire de cette œuvre exceptionnelle, nous rendons hommage à l’esprit indomptable de Beethoven, cet homme qui, malgré sa surdité, a composé une symphonie transcendante, brisant les frontières du son pour s’adresser directement au cœur. Beethoven disait : « La musique est une révélation supérieure à toute sagesse et à toute philosophie. » Sa Neuvième Symphonie en est l’incarnation parfaite, une œuvre qui continue à inspirer, élever et unir à travers le langage universel de la musique.

Levons nos verres à Beethoven, dont la vision était si puissante qu'elle a brisé le silence de son propre monde et créé une œuvre qui résonne à travers les siècles. C'est plus qu'une symphonie ; c'est une célébration de notre humanité partagée, un appel à nos meilleurs anges et un rappel que dans un monde souvent divisé, il y a toujours de la musique pour nous rassembler.

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