_{Photos fournies par Dutch & Dutch.}

« Nous ne nous considérons pas comme un simple fabricant d’enceintes actives. Nous allons au-delà de cela. Nous croyons en des produits holistiques et durables. » — Jannis Dossis, responsable des ventes et du marketing, Dutch & Dutch 

Voici une interview Zoom que j'ai réalisée avec Jannis Dossis et Martijn Mensink, cofondateur de Dutch & Dutch, dans laquelle nous discutons de leur système de haut-parleurs 8c, de la façon dont il continue à s'améliorer et des nouveaux projets que l'entreprise néerlandaise a prévus pour l'avenir proche.

Si le sujet des enceintes audiophiles équipées de DSP vous paraît encore récent, rappelez-vous que D&D a été fondée il y a déjà 11 ans, en 2014 — et que Martijn travaillait sur des conceptions similaires bien avant cela.

« J’avais une autre entreprise qui fabriquait un produit assez proche du 8c de D&D, destiné à la haute fidélité », a-t-il expliqué. « Au final, cette entreprise a échoué pour diverses raisons, notamment parce que la société à qui nous avions confié la production de notre premier lot a fait faillite. Mais aussi parce que le produit était tout simplement trop complexe pour que les clients puissent le comprendre et l’utiliser.

« C’était une conception cardioïde, avec un guide d’ondes et un DSP », a-t-il poursuivi, « et elle s’accompagnait de plusieurs caissons de basses qu’il fallait placer un peu partout dans la pièce. L’ensemble était relativement compact, mais il y avait énormément de câbles et de boîtiers. Et nous devions expliquer pourquoi il y avait tous ces éléments séparés, ces caissons de basses, pourquoi il y avait un DSP, ce qu’était une cardioïde et ce que nous faisions avec l’acoustique de la pièce. C’était tout simplement trop. 

« Nous avons donc décidé de ne pas continuer, et c’est à ce moment-là que deux personnes m’ont contacté. Elles cherchaient quelqu’un qui s’y connaissait en conception d’enceintes. Elles étaient très intriguées par le design cardioïde que nous avions développé dans le cadre de ce projet précédent, et voulaient créer un système audio professionnel basé sur ce principe.

« Plus précisément, elles s’intéressaient au potentiel de ce design pour lutter contre la pollution sonore. Lors d’un grand concert, par exemple, le son ne se dirige pas uniquement vers le public — il rayonne dans toutes les directions. Si l’on peut contrôler la direction du son, on peut aussi contrôler les réflexions, ce qui améliore la qualité sonore. Nous avons donc lancé cette nouvelle entreprise, mais très vite — même si l’idée était excellente — nous avons réalisé que nous n’avions ni les ressources ni la structure nécessaires pour commercialiser efficacement une technologie de ce calibre. »

C’est ce qui a incité Martijn à développer un système de haut-parleurs intégré sous une nouvelle société, Dutch & Dutch. « L’idée du premier système de haut-parleurs était solide », explique-t-il. « Nous nous sommes donc demandé comment reprendre tout ce qu’il y avait de bon dans ce premier système et en faire un produit que les gens voudraient acheter. Nous devons encore expliquer l’acoustique de la pièce, mais c’est un concept qui commence à faire son chemin, même s’il n’est pas encore évident pour tout le monde. Mais nous gagnons du terrain, pour ainsi dire. »

Dans son article, Bruno Putzeys notait que la nature « évolutive » du hobby audiophile — et la dépendance de l’industrie à ce modèle — rend difficile la vente d’un concept tel qu’une enceinte tout-en-un. Que pense D&D de cette situation ?

Martijn : « La raison pour laquelle la plupart des passionnés se lancent dans ce hobby, c’est parce qu’ils aiment le parcours. Ce n’est pas la destination qui compte. Ce que nous constatons chez nos clients, c’est que beaucoup d’entre eux sont engagés depuis des années sur cette voie de l’amélioration continue, puis ils découvrent — ou entendent parler — du modèle 8c. Je pense que, la plupart du temps, ce n’est pas leur intention de » — il fait le geste des guillemets avec ses doigts — « mettre fin à leur hobby ; ça se produit tout simplement. Ils restent intéressés par l’audio, bien sûr, mais il semble que le 8c constitue une forme de station finale, en tout cas pour le moment, pour bon nombre de nos clients. Très peu de nos produits se retrouvent sur le marché de l’occasion, tout simplement parce que — et c’est quelque chose que nous savons grâce à nos échanges fréquents avec nos clients — les gens les gardent. »

J’ai suggéré que l’acceptation croissante des enceintes actives par la communauté audiophile tient probablement au fait que la technologie est aujourd’hui bien plus performante qu’elle ne l’était auparavant.

« Absolument », répondent-ils à l’unisson, Jannis ajoutant : « Il y a seulement quelques années, la technologie des systèmes d’enceintes actives n’était tout simplement pas prête. » Je lui ai alors demandé s’il pouvait développer certains commentaires qu’il avait partagés dans un courriel, notamment : « Nous ne nous considérons pas comme un fabricant d’enceintes actives » et « Nous croyons en des produits holistiques et pérennes. »

Il a répondu : « Le 8c est peut-être une enceinte active — elle est amplifiée — mais elle va bien au-delà, car elle a été pensée de manière holistique. Nous avons conçu la meilleure enceinte possible, puis nous y avons intégré une plate-forme. À mes yeux, c’est là que réside notre principale différence avec les autres marques : dans la puissance de cette plate-forme. Le 8c continuera à proposer de nouvelles fonctionnalités, car elle a été conçue pour cela.

« Je viens du monde du logiciel », poursuit-il. « Et ce qui m’a poussé à rejoindre Dutch & Dutch il y a neuf ans, c’est que j’ai immédiatement perçu le potentiel de la plate-forme du 8c — sa puissance, sa capacité d’évolution et de mise à jour. 

« Sept ou huit ans après sa sortie, le 8c est toujours sur le marché », a-t-il déclaré. « Dans dix ans, il sera encore meilleur, car nous continuerons à offrir à notre clientèle de nouvelles fonctionnalités. Nous allons poursuivre l’évolution du 8c grâce aux mises à jour logicielles. Dutch & Dutch fabrique des enceintes, certes, mais c’est aussi une entreprise de logiciels.

« C’est une chose que l’entreprise a très vite comprise », a-t-il poursuivi. « Aujourd’hui, les logiciels permettent de faire évoluer le matériel sur le long terme. Nous enrichissons donc continuellement cette plate-forme. Par exemple, le 8c est la première enceinte à intégrer le plugiciel BACCH (Binaural and Ambisonic Cross-talk Cancellation), et de nombreux autres sont en préparation. Dans cette optique, vous n’achetez pas simplement un produit, vous faites un investissement à long terme. C’est pourquoi nous refusons d’être rangés dans la catégorie des enceintes actives classiques — nous allons bien au-delà. 

« Nous nous opposons à un système bien établi », a-t-il ajouté. « Nous faisons face à de nombreuses marques qui veulent vous vendre dix boîtiers. Ce n’est pas notre philosophie. Nous voulons vous proposer un seul ensemble d’enceintes, intégrant matériel et logiciel. C’est cette approche holistique que nous voulons adopter. »

Martijn ajoute : « Avec la plupart des enceintes conventionnelles, même celles qui intègrent un DSP ou une fonction de streaming, il y a d’abord une phase de R&D, puis le produit est lancé… et la recherche se tourne essentiellement vers le modèle suivant. Chez nous, nos ingénieurs R&D sont des développeurs DSP, des développeurs logiciels — ils continuent de travailler sur la plate-forme que nous utilisons dans le 8c. Cela nous permet de proposer de nombreuses mises à jour pour maintenir le 8c à jour, et cette même plate-forme sera désormais utilisée dans notre prochaine enceinte, qui sera lancée dans les mois à venir. Donc, au lieu de tout recommencer à chaque nouveau produit, nous avons une plate-forme capable d’évoluer avec nos enceintes. »

« C’est aussi notre manière de montrer du respect à notre base d’utilisateurs », ajoute Jannis. « La dernière chose que nous voulons faire, c’est dire : “Débarrassez-vous du 8c et achetez notre nouveau produit.” Le 8c est un produit exceptionnel, qui le sera encore dans dix ans. Nous voulons que vous vous sentiez en confiance au moment de l’achat. C’est un investissement important. Et nous ne voulons pas que vous ayez à le remplacer au bout de trois ans parce qu’un nouveau DAC ou un nouveau service de streaming est apparu sur le marché. Nous pouvons, en théorie, intégrer ces évolutions grâce à notre plate-forme. »

Que fait donc le plugin BAACH ?

« Il élimine la diaphonie, c’est-à-dire lorsque le son d’une enceinte atteint l’oreille opposée », explique Martijn. « La diaphonie réduit la largeur de l’image sonore. C’est pourquoi la scène sonore ne peut jamais être plus large que l’angle formé par vos enceintes. Les réflexions peuvent peut-être donner une impression d’élargissement, mais c’est très limité. Avec BAACH, vous pouvez essentiellement corriger cette diaphonie grâce à un filtre d’annulation. Cela permet de réintroduire une part de l’espace qui est normalement perdue lorsqu’on écoute deux enceintes en stéréo. »

Lorsque j’ai mentionné que la directivité semblait être l’objectif principal de la conception du 8c, Martijn a répondu : « La directivité est effectivement un objectif central. Si vous voulez maîtriser l’acoustique de la pièce, la directivité est essentielle. Le 8c ne se limite pas à cela, bien sûr, mais c’est un élément fondamental de sa conception. »

La 8c, une enceinte de type bibliothèque, est conçue pour offrir une extension impressionnante dans le grave, jusqu’à 20 Hz. Ont-ils vu une raison de développer un modèle colonne ?

Les deux hommes esquissent un sourire, Jannis prenant la parole. « Absolument », répond-il. « Je n’en dirai pas plus. Nous savons que nous avons une vaste clientèle qui, rien que pour des raisons esthétiques, aimerait avoir une enceinte colonne dans leur pièce. Disons que certains projets sont dans les tuyaux. »

Peut-on savoir quand ce nouveau système sera commercialisé ?

Ils répondent : « Avec un peu de chance, d’ici la fin de l’année. »

Outre trois amplificateurs de classe D dans chaque enceinte, le système 8c intègre un DAC capable de lire des fichiers jusqu’à 24 bits / 192 kHz. Bien que les utilisateurs puissent contourner ce DAC, Martijn explique que cela comporte une mise en garde.

« Certaines personnes le font, et certaines adorent ça », dit-il. « Si elles possèdent un DAC au caractère sonore bien précis qu’elles apprécient, elles peuvent l’insérer en amont du 8c pour conserver cette signature. Mais le 8c intègre un DSP qui fonctionne en domaine numérique. Cela signifie que tout signal analogique sera reconverti en numérique. »

Jannis ajoute : « Lorsque nous avons conçu le 8c, notre objectif était d’en faire une solution holistique : achetez un seul produit, et profitez simplement de votre musique. Cela dit, nombre de nos clients utilisent des platines vinyles, des streamers, des DAC, des préamplis… Et nous, ce que nous proposons, c’est un produit qui résout l’équation acoustique de la pièce. La manière dont vous écoutez votre musique et les composants que vous choisissez d’utiliser, ça vous appartient — cela fait toujours partie du hobby, non ? Certains de nos clients choisissent de simplifier leur système, tandis que d’autres réalisent que leur platine ou leur streamer peut soudain offrir un son dix fois plus propre et précis, simplement parce qu’ils disposent désormais d’enceintes qui interagissent de manière optimale avec la pièce, en en corrigeant les défauts. Utilisez votre DAC, ou non, écoutez vos vinyles, ou diffusez en streaming — peu importe : tant que vous écoutez votre musique comme vous l’aimez, nous sommes heureux. »

Ensuite, la conclusion de mon entretien et mes impressions sur le rendu sonore du 8c, tel que je l’ai entendu dans une boutique audio locale.

_{*En audio, la diaphonie peut également désigner le son d’un canal qui s’infiltre dans un autre.}