Quand le rock 'n' roll a croisé la bureaucratie : la tournée japonaise avortée des Rolling Stones en 1973

Quand le rock 'n' roll a croisé la bureaucratie : la tournée japonaise avortée des Rolling Stones en 1973


The Rolling Stones 1973 Japan tour / album promo ad

En 1973, les Rolling Stones incarnaient l'excès rock 'n' roll par excellence, un groupe qui avait érigé le scandale en art. Leur musique était un appel à la rébellion, leur style de vie un pied de nez à l'establishment. Pourtant, même eux n'ont pas réussi à contourner les strictes politiques d'immigration du Japon.

À la fin de 1972, les Stones annoncent une tournée révolutionnaire qui devait les emmener pour la première fois au Japon, avec un concert programmé dans l'iconique Budokan le 27 janvier 1973. L'enthousiasme était à son comble : les fans japonais s'apprêtaient à accueillir le groupe qui avait redéfini la musique rock. Warner Japan avait même édité une version spéciale de l'album Sticky Fingers, intitulée « Japan Tour Commemoration », pour célébrer l'événement.

Cependant, la tournée a rencontré un obstacle insurmontable. Les condamnations antérieures de Mick Jagger pour possession de drogues – remontant à l'infâme affaire de Redlands en 1967 et à une accusation en 1970 – l'ont rendu persona non grata au Japon. Malgré le statut mondial emblématique du groupe, les autorités japonaises ont appliqué une politique de tolérance zéro à l'égard des infractions liées à la drogue. Le 9 janvier 1973, la demande de visa de Jagger a été officiellement rejetée, entraînant l'annulation de la partie japonaise de la tournée.

Les retombées furent considérables. Les billets étaient déjà vendus, les produits dérivés fabriqués, et les fans en pleine effervescence. L'annulation n’a pas seulement déçu des milliers de personnes, elle a également mis en lumière les limites auxquelles même le groupe de rock le plus influent devait se plier face au droit international. Keith Richards, réfléchissant plus tard à cette interdiction, a suggéré que le refus du Japon n’avait fait que renforcer l’aura du groupe : « J’ai toujours pensé qu’ils faisaient une énorme erreur. Ça n’a fait qu’attiser la curiosité des gens : pourquoi ne pas nous laisser entrer ? De quoi avez-vous peur ? Nous ne sommes qu’une bande de guitaristes, bon sang. »

Ce n’est qu’en 1990 que les Rolling Stones ont enfin posé le pied sur le sol japonais. Entre-temps, les mentalités s’étaient adoucies, et le groupe a obtenu une autorisation spéciale pour se produire. Leur arrivée a été un véritable événement culturel : les fans ont envahi l’aéroport de Narita, et le concert au Tokyo Dome s’est joué à guichets fermés, rassemblant 50 000 spectateurs, chacun ayant payé 70 $US – un témoignage éclatant de l’attrait indémodable des Stones.

Le refus de visa en 1973 reste un moment clé de l’histoire du rock. Il a illustré le choc entre l’éthique contre-culturelle du rock et les politiques conservatrices de certaines nations. Pour les Stones, ce fut une leçon sur les répercussions mondiales de leur image rebelle. Pour le Japon, c’était une affirmation de souveraineté culturelle. Et pour les fans, un rappel que le rock 'n' roll, malgré toute sa défiance et sa bravade, pouvait encore être maîtrisé par l’establishment – du moins temporairement.

En fin de compte, cet incident n’a fait qu’ajouter à la légende des Rolling Stones. Leur conquête du Japon en 1990 n’était pas simplement une tournée : c’était une revanche. Comme Jagger lui-même pourrait le dire : « On ne peut pas toujours obtenir ce que l’on veut, mais si on essaie parfois, on risque de trouver ce dont on a besoin. »

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