
PRÉAMBULE
Bienvenue dans ma série « trésors de la voûte à vinyle ». J'y présenterai des perles sélectionnées dans ma collection de vinyles d'environ 12 000 pièces, qui ne cesse de croître, accumulée sur une période de 45 ans et plus encore*. Il ne s'agit pas d'une liste typique des « plus grands de tous les temps », mais plutôt d'une visite guidée. J'ai choisi de vous présenter, en les accompagnant parfois d'une ou deux anecdotes, les singles et les albums de ma collection qui me sont les plus précieux, tant pour leur valeur historique que pour l'impact qu'ils ont eu sur mon parcours musical. Afin de couvrir le plus grand nombre d'entre eux, je n'entrerai pas dans le détail de l'histoire du disque ou de sa qualité sonore - pour ces aspects, je vous invite à visiter mon Top 500 SuperSonic List à l'adresse suivante https://soundevaluations.blogspot.ca/.
Les disques seront présentés dans l’ordre chronologique basé soit sur leur date d’enregistrement, soit sur leur date de sortie originale, et non sur leur date de réédition. Cela signifie, par exemple, que l’iconique Kind of Blue de Miles Davis ne figurera qu’une seule fois, en 1959, malgré ses nombreuses remasterisations et rééditions au fil des années. Par ailleurs, tous les pressages mentionnés sont américains, sauf indication contraire. Si « mono » n’est pas précisé, considérez qu’il s’agit d’une version stéréo ou que la version stéréo est mon choix par défaut entre les deux. Passons aux choses sérieuses, voulez-vous ?
Voici des exemples parfaits de Charlie « Bird » Parker et du bebop à leur apogée, enregistrés à l’origine entre 1945 et 1948, et gravés sur des 78 tours de 10 pouces lorsque ce nouveau style de jazz a supplanté le swing des big bands. Bird est accompagné, tour à tour, par Dizzy Gillespie, Max Roach, Bud Powell, John Lewis, et un jeune trompettiste nommé Miles Davis – encore non signé par un grand label à l’époque. De nombreux morceaux sont doublés avec des prises alternatives, donc à moins d’être un completiste, un ou deux de ces quatre albums, tous sortis en 1955, suffiront amplement. J’adore le bebop mais, en raison notamment de la grève des musiciens de 1942-1944, c’est l’un des styles de jazz les plus rares sur disque. Par chance, au milieu des années 90, alors que je feuilletais les bacs de jazz au magasin Disquivel sur le boulevard Saint-Laurent à Montréal, le propriétaire est monté à l’étage et en est redescendu avec deux des quatre LPs de Parker illustrés ici, en parfait état, qu’il m’a proposés pour quarante dollars pièce. Évidemment, comme vous pouvez le constater sur les photos, je n’ai pas pu résister. Puis, avec encore un peu de chance, j’ai trouvé les deux autres lors d’une convention de disques à Montréal, pour un prix légèrement inférieur. Tous mes exemplaires sont des premiers pressages canadiens distribués par London Records. Le son, bien que limité en gamme et un peu en avant dans les médiums, reste assez bon.
Miles Davis, quant à lui, est probablement l’innovateur le plus marquant du jazz, réinventant le genre à plusieurs reprises. Après avoir travaillé aux côtés de Parker, il a rapidement compris qu’il ne pouvait rivaliser ni avec Bird ni avec Dizzy, et que son jeu s’exprimait mieux dans un contexte plus lent, plus épuré, et moins frénétique que celui du bebop. Sous la direction de Gil Evans – arrangeur, compositeur, chef d’orchestre, et pianiste – un collectif de neuf musiciens (nonet) comprenant quelques grands noms du jazz a enregistré une série de onze morceaux en trois sessions entre janvier 1949 et mars 1950. Ces enregistrements ont donné naissance au mouvement cool jazz et à sa sous-catégorie de la côte ouest. Capitol Records a compilé ces morceaux dans un album sorti en 1957. En ajoutant tuba, cor français, et sax baryton à l’ensemble instrumental typique, l’album s’imprègne d’une influence classique européenne, rompant avec les piliers traditionnels du blues et du swing. Ce fut ma première découverte de la musique de Miles, mais loin d’être la dernière. Contrairement aux LPs de Parker, je n’ai pas eu la même chance avec Birth of the Cool. Dans les années 90, à Montréal, j’ai failli mettre la main sur un pressage original « turquoise » lorsque, au magasin Primitive sur la rue Saint-Denis, un concurrent m’a devancé de quelques minutes. Ce dernier a même osé exhiber son trésor devant moi… j’ai résisté à l’envie de l’assommer (je plaisante, bien sûr !). Finalement, en 2003, je me suis procuré la réédition de Classic Records, gravée par Bernie Grundman. Elle oscille entre bonne et excellente, avec une tonalité chaude et agréable.
À mon avis, et celui de nombreux autres, The Duke est l’un des plus grands compositeurs de musique – pas seulement de jazz – de tous les temps. Pianiste de jazz et chef d’orchestre, avec une carrière s’étendant sur environ cinquante ans, la musique du Duke a souvent transcendé les frontières traditionnelles, repoussant les stéréotypes grâce à des structures et des arrangements novateurs, ces derniers brillamment réalisés par son collaborateur de longue date, Billy Strayhorn. Qu’il s’agisse de 78 tours acoustiques ou de 33 tours stéréo, l’œuvre du Duke couvre une vaste gamme, allant de morceaux courts de trois minutes à des chefs-d’œuvre complexes comme ceux figurant dans les trois albums mentionnés ci-dessus. Dès 1951, Columbia Records savait capturer l’essence du groupe avec une grande finesse. La sophistication musicale de Masterpieces by Ellington, ainsi que l’énergie puissante de Ellington Uptown, font de ces deux enregistrements parmi les meilleurs exemples de transferts de bandes mono sur vinyle. Masterpieces bénéficie en plus d’un avantage technique : une découpe sur quatre faces à 45 tours réalisée par Ryan K. Smith, ce qui amplifie encore son excellence sonore. Mon ami, complice en quête de vinyles, a eu la chance, en 2021, de mettre la main sur le dernier exemplaire scellé de cet album au célèbre magasin montréalais Aux 33 Tours, juste avant que les prix ne flambent. Le troisième album, The Duke Plays Ellington, sorti chez Capitol en 1953, met en lumière les talents de pianiste du Duke dans un simple trio avec Wendell Marshall à la basse et Butch Ballard à la batterie. Cet album, initialement publié en 10 pouces, démontre à quel point Duke excellait aux claviers. Le son des studios Capitol est d’une très bonne qualité.
Combinant country, rhythm & blues, et western swing, Bill Haley & His Comets a propulsé le rockabilly et le rock and roll sur le devant de la scène musicale, là où, des années auparavant, Louis Jordan, « Big Joe » Turner, et Ike Turner avaient préparé le terrain pour ce nouveau style de musique populaire. Ces deux albums de compilation, enregistrés entre 1952 et septembre 1955, regroupent tous les plus grands succès de Haley. Le son, sans fioritures, est clair et globalement de bonne qualité.
*Je m'en voudrais de ne pas mentionner que je partage certains de ces 12 000 disques avec un autre chasseur de vinyles, un co-conspirateur et un ami de toujours.
Liste de référence (singles, albums et étiquettes) :
- Charlie Parker - Charlie Parker Memorial, Savoy Records MG-12000 (mono) (1955), 33 1/3 tours. Genre : jazz, bebop
- Charlie Parker - The Immortal Charlie Parker, Savoy Records MG-12001 (mono) (1955), 33 1/3 tours. Genre : jazz, bebop
- Charlie Parker - Charlie Parker Memorial Vol. 2, Savoy Records MG-12009 (mono) (1955), 33 1/3 tours. Genre : jazz, bebop
- Charlie Parker - The Genius Of Charlie Parker, Savoy Records MG-12014 (mono) (1955), 33 1/3 tours. Genre : jazz, bebop
- Miles Davis - Birth of the Cool, Le disque a été enregistré en 1957, Capitol Records T-762 (mono) (1957, fév.), Classic Records T-762 (2003), 33 1/3 rpm. Genre : cool jazz
- Duke Ellington et son orchestre - Masterpieces by Ellington, Columbia Masterworks ML 4418 (mono) (1951), Analogue Productions APJ 4418-45, 200g (2017), 180g (2021), (2×45 rpm). Genre : jazz, swing, big band orchestral
- Duke Ellington et son orchestre - Ellington Uptown, Columbia Masterworks ML 4639 (mono) (1952), 33 1/3 tours. Genre : big band swing, cool jazz
- Duke Ellington - The Duke Plays Ellington, Capitol Records T 477 (mono) (1954), 33 1/3 rpm. Genre : jazz
- Bill Haley & His Comets - Rock with Bill Haley and the Comets, Essex Records ESLP 202 (mono) (1954), 33 1/3 rpm). Genre : rock and roll, rockabilly
- Bill Haley & His Comets - Rock Around the Clock, Decca DL8225 (mono) (1955), 33 1/3 rpm). Genre : rock and roll, rockabilly
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