Le premier single de The Iveys, extrait de l'album Magic Christian Music, doit sortir au cours de la première semaine de décembre 1969, mais le groupe a besoin d'un nouveau bassiste. Il y a également d'autres questions à régler. Dans la biographie de 2022 du groupe, Without You : The Tragic Story of Badfinger, Dan Matovina écrit que peu après avoir signé leur nouveau contrat avec Apple Records, le groupe gallois est encouragé par le label à changer de nom. Le guitariste-chanteur des Iveys, Tom Evans, a admis : « On nous a dit plusieurs fois que The Iveys était un nom stupide ». Plusieurs substitutions sont proposées, mais aucune ne reçoit l'approbation universelle des membres du groupe. Parmi les noms suggérés, citons The Glass Onion, Fresh, Tendergreen. Lennon propose sarcastiquement le nom « Prix », prononcé comme « pricks », tandis que McCartney propose « Home ».
C'est finalement le producteur exécutif d'Apple, Neil Aspinall, qui le trouve. Un soir, alors qu'il se trouve dans un pub avec Bill Collins, le directeur des Iveys, Aspinall évoque « Bad Finger Boogie », le titre original du projet que John Lennon avait attribué à la chanson qui devint finalement « With a Little Help From My Friends ». Collins présente l'expression au groupe. Tous l'apprécient et adoptent immédiatement le nouveau nom de Badfinger. Le chanteur/guitariste Pete Ham, le batteur Mike Gibbins, et le guitariste Evans ne sont plus The Iveys. Ainsi, Magic Christian Music devient le deuxième album du groupe sur Apple Records, mais son premier album sous le nom de Badfinger.
Sauf qu'ils ne trouvent toujours pas de nouveau bassiste. Étant insatisfait dans leur recherche d'un remplaçant adéquat pour Ron Griffiths (les bassistes qualifiés autour de Swansea ou de Liverpool sont réputés rares), Tom a une idée brillante : Il est prêt à sacrificer son rôle de guitariste pour passer à celui de bassiste, ce qui facilitera grandement la recherche d'un nouveau membre. La recherche est bientôt terminée, et leur nouveau guitariste - Joey Molland de Liverpool - rejoint la famille Apple Records.
Comprenant quatorze pièces, Magic Christian Music contient un mélange de nouvelles chansons que le groupe avait écrites pour la bande originale, ainsi que des chansons antérieures qui sont retravaillées à partir du matériel mis de côté des Iveys (la version américaine contient douze chansons - « Give It A Try » et « Angelique » étant abandonnées). L'album contient aussi la chanson que McCartney avait écrite pour l'album et qu'il avait persuadé le groupe d'interpréter tel quel, sans rien changer aux arrangements. Paul leur dit : « Personne ne le saura de toute façon, et même s'ils disent quelque chose, dites : "Oui, Paul a fait les arrangements, mais ce n'est pas inhabituel" ». En effet, la stratégie fonctionne à la perfection et la chanson devient le premier grand succès de Badfinger. Mais la navigation sans heurts du groupe depuis son arrivé chez Apple se dirige vers des eaux perfides lorsque les Beatles annoncent officiellement leur rupture le 10 avril 1970, et que les gros titres des journaux du monde entier annoncent leur séparation.
À l'été 1970, Badfinger commence à travailler sur son deuxième album officiel, No Dice, qui contient le single accrocheur, « No Matter What ». Cette chanson ressemble tellement aux Beatles, maintant séparés, qu'elle vaut à Badfinger, sans surprise, la réputation d'héritier de la dynastie Apple. Après que l'album soit entré dans le Top 30, ils effectuent une tournée de trois mois aux États-Unis, d'octobre à décembre 1970. En décembre, « No Matter What » devient le deuxième single du groupe à figurer dans le Top 10. Tout le monde, y compris les Beatles eux-mêmes, croit que Badfinger sera « the next big thing ».
Considérez ceci : Paul avait pris les devants en offrant au groupe sa chanson « If You Want It », qui devient un tube. Ringo a ensuite permis à Badfinger d'apparaître sur la bande originale de Magic Christian Music. Au printemps 71, Lennon les invites à jouer sur son album Imagine (ils jouent sur « Jealous Guy » et « I Don't Wanna Be a Soldier, Mama »), tandis que Harrison fait appel à leurs contributions sur l'album All Things Must Pass. Ham et Tom sont également invités à chanter en arrière-plan, avec Mal Evans au tambourin, sur le nouveau single de Ringo Starr, « It Don't Come Easy », une chanson qui aurait été écrite, selon l'auteur Robert Rodriguez, par Harrison mais qui est créditée à Ringo.
Le succès de Badfinger étant si soudain, l'élaboration d'un nouvel album est rapidement lancée. McCartney, cependant, consacre désormais son énergie et son attention à son propre album solo secret, intitulé McCartney et se désintéresse du projet Badfinger. La même chose s'était produite avec une autre artiste d'Apple, Mary Hopkin, dont le premier single, « Those Were The Days », commence comme une production de McCartney, mais se voit ensuite confié à l'ingénieur de studio Geoff Emerick pour être achevé.
Lorsque le tour de Badfinger est arrivé, Emerick s'attendait à ce que ce soit lui qui reçoive le feu vert. "Cette fois, le flambeau a été transmis à Mal plutôt qu'à moi", a déclaré Emerick. Bien que Mal ait gagné ses galons en tant que premier à avoir mis les Iveys en contact avec Apple, Emerick a déclaré que Mal "n'avait pas d'autre formation que de s'occuper des Beatles... il ne savait pas quoi faire de sa vie, alors il a décidé de devenir un découvreur de talents... il a traîné dans les studios avec les Beatles suffisamment longtemps pour penser qu'il savait produire des disques, mais ce n'était pas le cas en réalité.
Le manque de connaissances et d'expérience musicales de Mal a miné sa capacité à créer des idées substantielles, ce qui l'a exposé à de sévères critiques. "Il était clairement dépassé par les événements", a déclaré Emerick. "Il s'en remettait simplement aux ingénieurs qu'il utilisait - Ken Scott et Richard Lush - pour faire leur travail. Emerick a également affirmé que le nouveau membre du groupe, Molland, était tout aussi "paranoïaque et manipulateur" que Bill Collins, car ils ont collaboré pour écarter Mal du groupe.
Le patron d'Apple Records, Allen Klein, n'a guère fait preuve de patience face à cette situation instable, et Mal Evans a été sommairement remplacé par Emerick. "C'était une réunion désagréable et embarrassante", a déclaré Emerick. "Bill s'est servi de moi pour forcer Mal à partir. Emerick estime qu'Evans a été renvoyé injustement en raison de la paranoïa de Collins, qui croyait qu'il voulait non seulement être producteur, mais aussi contrôler entièrement la gestion de Badfinger.
Le nouvel album de Badfinger prend du retard et commence à devenir de plus en plus cher, et le label - sous la direction de Klein - rejete les bandes initiales de la session, citant un produit de qualité inférieure en raison de la qualité du son mixé à la hâte. Les membres du groupe discutent publiquement de leur dédain et de leur déception, tandis que le label les pousse à livrer un produit beaucoup plus proche du son « Abbey Road », plus familier et plus sûr, que les Beatles avaient créé. Lorsque le band revient de leur tournée américaine de 1971 en mai, un album de onze chansons, encore inédit, se trouve sur les étagères d'Apple Records, sans qu'aucune date de sortie ne soit prévue.
Une fois de plus, la rumeur se répand sur le dégoût du groupe face au manque de soutien adéquat de la part de la maison de disques, sans parler des comparaisons constantes avec les Beatles, qui a désormais une connotation négative en raison de la séparation du groupe. S'ensuit l'entrevue dans le magazine Rolling Stone que le groupe donne le 3 mai, (prévue pour le numéro du 10 juin) qui expose les griefs unilatéraux du groupe sur le fait qu'ils se sentent tous négligés et abandonnés par la société. Allan Steckler, responsable d'Apple Records, déclara : « Je n'étais vraiment pas emballé par le travail de Geoff. C'est un excellent ingénieur, mais je n'avais pas l'impression qu'il avait les oreilles pour entendre quelque chose de commercial. »
Steckler fait part à Harrison de son point de vue sur la détérioration rapide des circonstances entourant le sort du nouvel album. "J'avais l'impression que le groupe n'avait pas de véritable producteur", dit Steckler à Harrison, qui accepta d'intervenir et de sauver l'album en amenant le groupe en studio sous sa direction. "Il a dit qu'il trouverait le temps de le faire", a déclaré Steckler. "Et il l'a fait.
Harrison était déjà un grand supporteur du groupe, et l'avait même présenté sur scène lors de leurs trois prestations au Ungano's, un club populaire de New York, lorsque Badfinger effectuait sa première tournée aux États-Unis (un geste qui donna au groupe une crédibilité instantanée aux yeux de la presse américaine). Il est désormais officiellement le producteur du troisième album de Badfinger, Straight Up, (finalement sorti en décembre 1971 aux États-Unis et en février 1972 au Royaume-Uni). Il supervise les sessions au studio #2 d'Abbey Road, là même où il avait enregistré certaines de ses propres chansons pour All Things Must Pass. L'un des meilleurs morceaux prévus pour l'album, « Day After Day », voit George livrer un savoureux duo de guitare slide à l'unisson avec le chanteur du groupe, Ham. Selon la biographie de 2006 du biographe Simon Leng, While My Guitar Gently Weeps: The Music of George Harrison, Molland se souvient que « Pete et moi avions fait la piste d'accompagnement, et George est entré dans le studio et nous a demandé si ça nous dérangerait qu'il joue... il a fallu des heures et des heures pour que ces deux guitares soient synchronisées. »
En effet, lorsqu'on écoute attentivement « Day After Day », la combinaison de la progression des accords, de la mélodie et de l'harmonie vocale sonne comme si elle avait été tirée directement du catalogue des Beatles, avec McCartney chantant la voix principale de Ham. Dans sa biographie, Without You: The Tragic Story of Badfinger, Matovina fait référence à une interview accordée à Tom Evans et Pete Ham par des animateurs de la station radio WMCA de New York, qui résume la perception générale de l'époque : « Les gens pensent que c'est Paul McCartney qui chante », disait Evans. « Mais c'est Pete qui chante. »
Harrison est apparemment tellement impliqué dans les progrès du groupe que, selon certains rapports, le groupe a l'impression qu'il est devenu un cinquième membre. Il termine le travail sur quatre chansons - « Name of the Game », « Suitcase », « I'd Die Babe » et « Day After Day » - et fait appel à Leon Russell pour jouer du piano sur « Day After Day » et de la guitare sur « Suitcase ». Poussant encore plus loin le lien entre le groupe et les Beatles, Molland - le plus récent membre du groupe - a non seulement des inflexions vocales liverpudliennes similaires à celles de McCartney lorsqu'il parle, mais il a aussi une forte ressemblance avec McCartney ! Bill Collins le mentionne dans un numéro de Music & Echo ; que le groupe s'était réuni à ce sujet et était inquiet de voir que ce qui était considéré comme un compliment devenait peu à peu un obstacle potentiel. Même les critiques de Melody Maker s'étaient moqués de l'étrange ressemblance entre les deux hommes.
Bien que le projet d'album de Badfinger et l'avancement de son propre album solo soient les principales priorités de Harrison, un problème bien plus urgent se profile à l'horizon. Harrison doit faire face à une crise internationale comme il n'en a jamais connue auparavant. Plus d'informations dans notre prochain numéro.
Les livres et les vidéos sur mon étagère :
- The Complete Beatles Recording Sessions Mark Lewisohn
- Badfinger: A Riveting and Emotionally Gripping Saga [DVD des réalisateurs] [1997]
- While My Guitar Gently Weeps: The Music of George Harrison par Simon Leng
- Here, There and Everywhere: My Life Recording the Music of The Beatles par Geoff Emerick & Howard Massey [Pioneer Artists]
- Behind The Music: Badfinger [VH1 DVD]
- The Concert for Bangladesh: Gorge Harrison and Friends [Apple Records DVD]
- Without You: The Tragic Story of Badfinger par Dan Matovina
- Badfinger & Beyond: The Biography of Joey Molland par Michael A. Cimino
- Paul McCartney: The Life par Phillip Norman
- The Longest Cocktail Party par Richard DiLello
- Fab Four FAQ 2.0 : Les années solo des Beatles, 1970-1980 par Robert Rodriguez
- The Beatles Solo on Apple Records par Bruce Spizer
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