Dans ce qui pourrait être l'une des rencontres les plus inattendues et pourtant emblématiques, nous avons ces photos légendaires de deux titans venus de mondes radicalement différents : le Colonel Sanders et Alice Cooper. Si jamais il y avait eu un moment de « quelles étaient les chances ? » dans l’histoire de la pop culture, ce serait celui-ci. Le maître du poulet frit à la mode du Sud et le parrain du shock rock se serrant la main autour d’une table de fine porcelaine et (on l'imagine) des meilleurs produits de KFC. Mais cette étrange rencontre ne se résume pas qu'à une simple séance photo amusante.

Nous sommes en 1973, et Alice Cooper connaît un immense succès avec ses albums Billion Dollar Babies et School’s Out. Il est célèbre pour avoir introduit des éléments horrifiques dans le rock 'n' roll : guillotines, serpents, sang, chaises électriques. Les parents sont horrifiés, les adolescents sont en extase. Cooper est, en somme, une controverse ambulante, vêtu de cuir, les yeux soulignés de maquillage noir, et les cheveux longs et en bataille.

De l’autre côté du spectre culturel se tient le Colonel Harland Sanders, visage bienveillant de Kentucky Fried Chicken, avec son costume blanc légendaire, son nœud papillon noir et son charme du Sud. Aussi américain que possible – du moins, à première vue. Au début des années 70, le Colonel est un nom familier, connu pour son poulet « à s'en lécher les doigts », un icône mondial représentant le réconfort alimentaire dans ce qu'il a de plus gras. Mais alors, comment ces deux figures plus grandes que nature se sont-elles croisées ?

Le moment magique s’est produit en coulisses, lors de l'un des concerts d'Alice Cooper, de tous les endroits possibles. On ne sait pas qui a orchestré cette collision surréaliste, mais Cooper lui-même a rappelé que le Colonel était fan du spectacle. Oui, le Colonel Sanders, l’homme qui avait passé des décennies à perfectionner sa « recette secrète » de 11 herbes et épices, avait apparemment un goût pour le rock théâtral. Le Colonel, qui était alors dans ses 80 ans, est arrivé vêtu de son habituel costume blanc impeccable, probablement aussi décalé que possible dans l’atmosphère chaotique des coulisses d’un concert de Cooper. Et pourtant, les photos ne montrent aucune gêne – juste du respect mutuel et peut-être une appréciation partagée pour leurs spectacles respectifs.

Ces images, immortalisées en noir et blanc granuleux, sont une étude de contrastes. Cooper, bière à la main, vêtu de son denim fétiche et ses cheveux en désordre, pose à côté du Colonel, qui semble légèrement amusé mais toujours aussi courtois, en gentleman du Sud. Il y a presque quelque chose de paternel dans l’attitude de Sanders sur les photos, peut-être voyant en Cooper un esprit semblable par son flair entrepreneurial ou tout simplement appréciant l'absurdité du moment.

C’est le genre d’image qui semble sortie d’un rêve éveillé de la pop culture des années 70 – où un homme célèbre pour se plonger dans du faux sang et un autre célèbre pour plonger du poulet dans une friteuse peuvent partager un rire et une poignée de main. D’une manière étrange, ils représentent tous deux des facettes de l’excès américain : l’énergie sauvage et anarchique de Cooper sur scène, et la quête incessante du Colonel pour la domination culinaire. Tous deux savaient comment captiver un public, que ce soit avec une guillotine sur scène ou un seau de poulet, et tous deux sont restés légendaires bien après leurs heures de gloire respectives.

Comme l’a dit un jour Cooper lui-même, le Colonel « était un type cool. » Peut-être est-ce tout l’explication dont nous avons besoin. Le Colonel et le maître du shock rock – deux icônes, deux faces d’une même pièce de la folie américaine.

En fin de compte, cette rencontre nous rappelle que la vie peut être plutôt bizarre, et parfois, c’est tout simplement « à s'en lécher les doigts ».