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La deuxième vague des enceintes actives, par Bruno Putzeys, partie 1

Que peuvent faire les enceintes actives que les passives ne peuvent pas ? La réponse impulsionnelle, affirme Bruno Putzeys. Cela, ajouté à leur incroyable praticité, en fait la vague de l’avenir.

La deuxième vague des enceintes actives, par Bruno Putzeys, partie 1

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Que peuvent faire les enceintes actives que les passives ne peuvent pas ? La réponse impulsionnelle, affirme Bruno Putzeys. Cela, ajouté à leur incroyable praticité, en fait la vague de l’avenir.

Cet article contenait à l'origine des informations plus techniques. Pour lire la version intégrale, cliquez sur ici.

« Une mise en œuvre très évoluée d’une technologie éprouvée surpasse presque toujours le premier exemple d’une technologie nouvelle, même supérieure », dit une célèbre maxime d’ingénierie. Cela en dit long sur la psychologie des audiophiles haut de gamme. À chaque nouvelle technologie audio, beaucoup la rejettent d’emblée en se disant : « Ça ne prendra jamais », préférant rester sur un terrain familier.

C’est pourquoi un salon hi-fi moyen ressemble davantage à un musée de l’évolution audio qu’à une vitrine des nouvelles technologies. On débat encore pour savoir si les amplificateurs à transistors peuvent rivaliser avec les amplis à lampes, si les schémas push-pull fonctionneront un jour aussi bien que les circuits single-ended, si les pentodes (y compris les tétrodes à faisceau, puisque nous sommes dans une publication nord-américaine) peuvent tenir tête aux triodes, et si les cathodes chauffées indirectement pourraient un jour remplacer les cathodes à chauffage direct. Et tout cela ne concerne que les amplificateurs. Des cylindres en cire, quelqu’un ?

Cet article répond à la question de Robert Schryer, rédacteur en chef du magazine PMA : « Les enceintes actives ont-elles le potentiel de surpasser les enceintes passives en qualité sonore ?&nbsp» Je soupçonne les rédacteurs de mieux en mieux savoir sur quels boutons appuyer pour me tirer un article. (Oh, nous savons très bien lesquels. — ndlr)

Une entrée en scène discrète

La définition d’une enceinte active est assez simple : une enceinte multivoies dotée d’un amplificateur dédié par voie, avec un filtrage effectué en amont des amplificateurs.

Historiquement, cela s’arrêtait là : les amplificateurs et les filtres échangeaient simplement leur place dans la chaîne du signal, mais les haut-parleurs recevaient exactement les mêmes signaux. Je ne vois pas bien quelle amélioration sonore on pouvait espérer en tirer. Je connais plusieurs concepteurs réputés qui ont tenté l’expérience et en ont conclu que l’enceinte active, c’était du vent. En effet, cela ne sert à rien d’adopter l’actif si ce n’est pas pour en faire le point de départ de quelque chose qu’il est impossible de réaliser avec des filtres passifs.

Réalités économiques de l’audio haut de gamme

Le secret le mieux gardé du monde de l’audio haut de gamme, c’est que les circuits d’amplification ne coûtent presque rien. Quelle que soit votre topologie d’ampli préférée, le circuit en lui-même ne représente qu’une infime partie du coût total du produit fini. Ce sont le châssis et l’alimentation qui font grimper la facture.

Les amplificateurs autonomes doivent respecter les absurdes exigences de la FTC, qui imposent un fonctionnement en sinusoïde à pleine puissance pendant cinq minutes — de quoi faire sauter la plupart des enceintes en quelques secondes. Résultat : les fabricants sont contraints de surdimensionner l’alimentation et, dans le cas des modèles en classe A/B, d’ajouter de plus gros dissipateurs thermiques. Mais si l’on conçoit l’ampli et l’enceinte pour que leurs puissances continues soient bien assorties, on peut réaliser de sérieuses économies.

Ajouter des canaux séparés pour le médium et le tweeter ne change rien à la puissance de sortie totale, donc n’affecte pas l’alimentation. Le coût additionnel d’un canal en plus se résume à une poignée de composants. En revanche, une bonne bobine de filtrage passif à faible distorsion, c’est un gros paquet de cuivre. Et rien que le métal brut coûte plus cher qu’un canal d’amplification supplémentaire. Enfin, intégrer l’ampli directement dans l’enceinte permet d’économiser une fortune en coûts de fabrication de châssis.

Ainsi, d’un point de vue économique, les enceintes actives ont toujours été une évidence. Même si l’objectif est simplement d’associer un ampli à une enceinte, le faire de manière « active » revient moins cher et se révèle bien plus pratique. C’est d’ailleurs pour cela qu’on les retrouve partout en studio d’enregistrement : les ingénieurs ont besoin d’outils fiables, pas d’un bric-à-brac à bidouiller.

À l’inverse, tout le marché grand public repose sur des composants interchangeables que l’on pousse les acheteurs à « améliorer » en permanence. Ce qu’on vous vend, ce n’est pas vraiment un système audio, mais plutôt un « voyage » (entendez : une belle entourloupe).

Qu'est-ce qui a changé ?

Jusqu’à récemment, la situation était restée inchangée. Les enceintes actives étaient conçues comme des enceintes passives, avec l’électronique greffée à la dernière minute. Puis, il y a une dizaine d’années, une nouvelle génération d’enceintes actives a vu le jour, pensées comme actives dès l’origine — et elles ont bouleversé les attentes quant à ce qu’une enceinte était réellement capable de faire, des attentes façonnées par les limites inhérentes au design passif.

Prenons l'exemple des basses. On suppose généralement qu’une enceinte doit être massive pour produire des basses profondes et puissantes. Une simple affaire de physique, n’est-ce pas ? Pas si vite.

Le problème des enceintes passives, c’est qu’elles forment un enchevêtrement d’éléments électriques, mécaniques et acoustiques étroitement interdépendants. Concevoir un simple caisson de basses à réponse linéaire devient vite une suite interminable d’essais et d’erreurs, chaque paramètre étant ajusté encore et encore jusqu’à obtenir un ensemble haut-parleur, coffret et filtre qui fonctionne correctement.

Même les choix de conception sont restreints. Les enceintes closes, par exemple, produisent les graves les plus fermes, mais elles sont aussi rares qu’une poule avec des dents. Pourquoi ? Parce qu’un woofer à peu près efficace possède généralement un aimant si puissant que la force de freinage de la bobine mobile suramortit l’ensemble. Pour obtenir une réponse bien définie et linéaire avec une enceinte close, il faut donc rendre le woofer moins efficace — soit en ajoutant une résistance en série (pas très engageant), soit en utilisant un aimant plus faible (encore pire, pour des raisons qu’on n’abordera pas ici).

D’où la prééminence des enceintes à évent. Celles-ci fonctionnent avec des woofers puissants grâce à une seconde résonance sous-amortie, qui aplatit la réponse en fréquence — mais au prix d’une coupure beaucoup plus abrupte (4e ordre contre 2e pour les enceintes closes). Le résultat ? Une réponse transitoire plus floue et traînante. Deuxième inconvénient : en dessous de la fréquence de coupure, il n’y a plus de pression d’air pour freiner le woofer, ce qui rend les enceintes à évent assez faciles à pousser au-delà de leurs limites. C’est une situation que l’on tolère parce que rien d’autre ne semble réellement fonctionner. Les enceintes à évent sont devenues une telle norme qu’on ne les remet presque jamais en question. C’est comme ça que les choses se font. Ainsi, au lieu de repenser les principes fondamentaux, les concepteurs préfèrent peaufiner des variantes comme les lignes de transmission ou les radiateurs passifs. Et quand ils y parviennent, ils sont tellement impressionnés par leur propre réussite qu’ils ne remarquent même pas que la qualité sonore n’a, au fond, guère évolué.

Sortir du cadre

Un avantage immédiat de la conception d’enceintes actives, c’est qu’elle découple le domaine électrique des domaines mécanique et acoustique. Mieux encore : on peut facilement corriger les effets du couplage résiduel entre ces deux derniers.

Et c’est plus simple qu’on ne le croit : choisissez un woofer, montez-le dans un coffret clos, puis mesurez ou modélisez sa réponse. À partir de là, définissez la réponse que vous souhaitez obtenir et concevez un filtre qui compensera la différence.

Ce type d’égaliseur est connu sous le nom de transformateur de Linkwitz. Il s’agit d’un filtre de shelving de second ordre qui repose sur la combinaison de deux éléments : une anti-résonance, réglée pour annuler la résonance naturelle du haut-parleur dans les basses fréquences, et une nouvelle résonance, définie avec la fréquence de coupure et le facteur Q exacts souhaités. Le résultat ? Des graves parfaitement ajustés, à chaque fois.

Cela représente le premier véritable avantage sonore des enceintes actives : la possibilité d’obtenir une réponse dans le grave de second ordre parfaitement ajustée à partir de n’importe quel caisson clos garantit des basses plus fermes et plus précises que ce qu’un caisson à évent pourra jamais offrir.

Et ce caisson peut avoir quasiment n’importe quelle taille. La seule limite, évidemment, reste la physique : pour obtenir les mêmes performances en basses fréquences avec un volume deux fois moindre, il faut quatre fois plus de puissance d’amplification, et la bobine mobile du woofer doit pouvoir dissiper la chaleur supplémentaire. L’ampli comme le haut-parleur doivent être dimensionnés en conséquence.

Mais puisqu’on est déjà dans l’univers des systèmes actifs, on peut aller encore plus loin. Il devient possible de faire varier dynamiquement la fréquence de coupure afin de limiter les excursions excessives de la membrane. On laisse les basses plonger profondément la plupart du temps, et on ajuste en douceur la fréquence de coupure uniquement pendant les transitoires extrêmes susceptibles de surcharger le woofer. C’est crucial, car lorsqu’un haut-parleur de graves talonne, le résultat est catastrophique. Ironiquement, ce sont ces transitoires extrêmes, aussi rares soient-ils — et non les niveaux d’écoute habituels — qui déterminent souvent la taille du haut-parleur, peu importe à quel point il bouge peu en fonctionnement normal.

Il est vrai que c'est une tâche délicate. Mais les quelques produits qui y parviennent offrent un spectacle spectaculaire pour leur taille, allant en profondeur tout en sonnant parfaitement propre lorsqu'ils sont poussés à fond.

Pourquoi insister autant sur la taille alors qu’on parle ici de qualité sonore ? C’est simple : dans la plupart des salons d’écoute, la taille des enceintes est limitée. L’idée n’est pas de réduire des enceintes déjà imposantes, mais de faire en sorte que des petites enceintes envoient du lourd.

C’est exactement ce que permettent les enceintes actives de cette fameuse « deuxième vague ». Compactes, closes, elles ridiculisent sans peine des enceintes traditionnelles bien plus volumineuses dès qu’on parle de graves.

Filtres crossover

Un phénomène étrange dans le monde de la hi-fi haut de gamme : on trouve des enceintes une voie, deux voies, trois voies — toutes affichées au même tarif stratosphérique. Clairement, ceux qui achètent une petite deux voies ne le font pas par manque de moyens. À première vue, c’est illogique. En divisant le signal sur plusieurs bandes de fréquence, on limite l’intermodulation. Chaque haut-parleur peut faire son boulot dans une zone précise. Sur le papier, une enceinte multivoies gagne sur tous les plans. Alors pourquoi tant d’audiophiles continuent-ils de jurer par les deux voies, voire par les modèles à voie unique ?

Prenez les studios d’enregistrement, par exemple. Les gros moniteurs ne servent qu’à monter le volume quand le groupe passe écouter. Pour bosser sérieusement, on utilise plutôt des petites enceintes comme les Auratone 5″. Les ingénieurs du son vous le diront : sur les grosses, ils n’entendent tout simplement pas ce qu’ils font.

Il se passe clairement quelque chose ici — et il y a fort à parier que c’est lié à un point souvent négligé : la réponse transitoire. Voici donc quelques réponses impulsionnelles calculées pour des enceintes passives idéales, une voie, deux voies, etc.

Seule la configuration à voie unique présente une réponse en échelon impeccable : un saut net, suivi d’un retour propre à l’équilibre. Dès qu’on segmente le spectre en plusieurs bandes, les transitoires commencent à se désagréger dans le temps, et cela s’amplifie à mesure qu’on ajoute des voies. Chaque fréquence de coupure introduit une nouvelle descente dans la courbe d’échelon et retarde les basses. Sur le plan technique, les enceintes passives multivoies se comportent comme des filtres passe-tout : toutes les fréquences passent avec la même intensité, mais avec un décalage variable selon la fréquence.

Il s’agit de décalages temporels qui ont une vraie portée musicale. Si vous avez l’impression que les musiciens de flamenco se contentent de gratter frénétiquement leurs guitares, c’est probablement parce qu’une enceinte passive trois voies vous le fait entendre comme ça. Une enceinte électrostatique, elle, dévoilera une séquence de notes parfaitement rythmée. Ce n’est pas parce que les électrostatiques sont « rapides » et les haut-parleurs électrodynamiques « lents » — ce n’est pas le cas —, mais bien à cause du filtre de répartition.

La musique classique indienne repose sur une précision extrême dans les échanges entre musiciens, tout comme le free jazz. Dans ce dernier, la tension naît du fait que chacun joue volontairement en léger décalage avec le tempo, puis elle se relâche brusquement quand tout le groupe se recale dans un climax d’une synchronisation sidérante. Ceux qui écoutent ça sur de grosses enceintes multivoies restent plantés là, attendant qu’une mélodie familière surgisse — sans comprendre que tout se joue dans le rythme et la mise en place.

La musique classique occidentale, elle, a été pensée pour de vastes espaces réverbérants : le déphasage introduit par une enceinte passive, même très complexe, y est donc relativement anodin. Cela dit, c’est l’attaque d’une note qui définit avant tout le timbre d’un instrument, bien plus que la structure harmonique de sa tenue. Sur une vraie voix humaine, on entend distinctement les cordes vocales claquer ensemble, comme une série de petits clics. Les enceintes à voie unique restituent cette nuance avec une intimité palpable — une qualité qui s’évanouit dès qu’on introduit ne serait-ce qu’un seul point de croisement.

Enfin — et cela devrait aller de soi — il y a la question de la dynamique. Lorsqu’une impulsion s’étale dans le temps, son amplitude de crête diminue. Un gros système à cinq voies fera sans problème vibrer les poutres, mais il ne vous donnera jamais ce coup de poing immédiat.

Et c’est bien là le paradoxe : pour ressentir toute l’intensité dramatique d’un concert, il faut une enceinte puissante — donc, le plus souvent, une architecture multivoies. Sauf que ces enceintes, si impressionnantes soient-elles en puissance et en propreté, sacrifient la précision du timing. Au bout du compte, chacun choisit les enceintes qui préservent ce qu’il aime le plus dans la musique qu’il écoute. Montrez-moi vos enceintes, et je vous dirai ce que vous écoutez.

Lire la deuxième partie ici.

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