
Le 1ᵉʳ mars 1994. Terminal 1, Munich, Allemagne. Une salle réaménagée à partir d'un ancien hangar d'aviation, avec une acoustique telle qu'on aurait dit que le bâtiment lui-même tentait de saboter le spectacle. Le son était mauvais. L'énergie, épuisée. Et Kurt Cobain, visiblement mal en point, a livré ce qui allait devenir, sans le savoir, la dernière prestation de Nirvana.
Ce n'était pas censé être la dernière étape de la tournée. Manchester, Glasgow, quatre soirées à la Brixton Academy de Londres, puis un ultime concert à Dublin figuraient encore au programme. Mais la santé de Cobain se dégradait rapidement et, lorsque le concert de Munich s'est achevé, la tournée s'est terminée avec lui.
Pat Smear, le second guitariste de Nirvana, a décrit plus tard ce concert dans The Guardian, se souvenant de la voix de Cobain qui devenait « sensiblement plus abîmée à chaque chanson ». Il ne se contentait pas d'endurer la douleur ; il semblait presque déterminé à brûler entièrement ses cordes vocales. « Quand on chantait ensemble, on avait l'air de chats qui se battaient », admet Smear. « Sa voix était tellement usée qu'au lieu d'essayer de la ménager, il semblait prendre un plaisir presque cruel à la pousser jusqu'à la limite du “je ne pourrai plus chanter pendant des jours” ».

En coulisses, Don Muller, l'agent de Nirvana, attendait. Les mots de Cobain furent brefs et sans appel : « C'est fini. Terminé. » La tournée s'arrêtait là.

Le lendemain, Cobain est diagnostiqué avec une laryngite et une bronchite sévères. Le road manager, Alex MacLeod, a déclaré à Rolling Stone que des médicaments et un spray pour la gorge lui avaient été prescrits pour l’aider. Mais ce n’était que le début de la fin. Quelques jours plus tard, le 4 mars, des informations circulent : Cobain a fait une overdose de Rohypnol et de champagne à Rome—un avant-goût tragique de ce qui allait suivre.
Un peu plus d’un mois plus tard, le 8 avril, un électricien découvre le corps de Cobain à son domicile de Seattle. Le médecin légiste déterminera plus tard qu’il s’était donné la mort trois jours auparavant, le 5 avril, à l’âge de 27 ans.
En repensant à ce dernier concert, un étrange sentiment d’inéluctabilité plane. La voix tendue, l’énergie erratique, la manière dont Cobain ne faisait presque rien pour cacher les marques sur ses bras—ce n’était pas un adieu grandiose, juste un homme à bout de souffle. Ce soir-là, le public ignorait qu’il assistait à un moment d’histoire. Mais avec le recul, cette ultime prestation ressemble moins à un concert qu’à l’apparition fugace d’un fantôme avant de s’évanouir pour de bon.
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