PRÉAMBULE
Bienvenue dans cette série où j'explore l'histoire du hard rock, du heavy rock et du heavy metal, y compris les nombreux sous-genres du metal. Vous y trouverez, et j'espère découvrirez, des artistes et des albums clés qui vous permettront de mieux comprendre et apprécier cette facette fascinante d'un rock puissant et souvent rebelle. Les sélections seront présentées dans un ordre chronologique basé sur leur date de sortie originale. Je n'entrerai pas dans les détails de la qualité sonore des enregistrements ; il suffit de dire que ces productions rock sont parfois crues et agressives, ce qui est tout à fait pertinent compte tenu de la nature de la bête. Ne vous attendez donc pas à des sonorités parfaitement polies dignes des démos de Steely Dan, Supertramp ou Eagles. La qualité sonore n’a pas été un critère de sélection pour cette série, ce qui signifie que vous trouverez un éventail de niveaux, allant du très médiocre (souvent en raison d'une surcompression ou de choix d'égalisation douteux) à du très impressionnant, enthousiasmant et captivant.
Comme le disait Alice Cooper : Hello! Hooray! Let the show begin…
*
En 1964, le rock and roll est en perte de vitesse aux États-Unis. Les amateurs de musique sont pris dans la ferveur de l'invasion britannique, déclenchée par les Beatles et leurs rivaux plus bruts, les Rolling Stones. Alors que les premiers ne cessent de repousser les limites de la mélodie, de l'harmonie et de la technique, les seconds intègrent dans leurs chansons de fortes influences de blues et de rhythm and blues. Jimi Hendrix, le génie musical né à Seattle, allait combiner à la fois le blues et la maîtrise technique en une seule et audacieuse expérience.

1- The Jimi Hendrix Experience - Are You Experienced. Reprise Records - RS 6261 (1967, mai), Experience Hendrix, Legacy 88697 62395 1 (2010, mars), 33 1/3 rpm, 180g. Genre : psychédélique, acid rock, heavy rock, blues rock, R&B.
Le trio composé du guitariste Jimi Hendrix, du bassiste Noel Redding et du batteur Mitch Mitchell, connu collectivement sous le nom de The Jimi Hendrix Experience, formait une force redoutable. Le premier album du groupe, Are You Experienced, est sorti pour la première fois au Royaume-Uni en mai 1967 — environ deux semaines avant Sgt. Pepper des Beatles — et son son ne ressemblait à rien de ce qu'on avait entendu jusque-là. Les onze titres de l'album fusionnent psychédélisme, acid rock et blues dans un creuset de ce que l'on appelle aujourd'hui le « heavy rock », en faisant le premier véritable album de ce genre, avec le son rock dissonant le plus lourd de tous les albums de l'époque, et de loin. Comme pour beaucoup d'albums des années 1960, les versions britanniques différaient souvent légèrement des versions américaines en termes de titres inclus et d'ordre des chansons. Dans ce cas, la version américaine est le meilleur choix, car elle inclut l'une des chansons emblématiques du groupe, « Purple Haze », alors que la version britannique l'omet. Ici, Hendrix utilise l'intervalle dissonant connu sous le nom de diabolus in musica, un motif récurrent dans le heavy metal. À voir la liste des morceaux, on pourrait presque croire qu'il s'agit d'une compilation « Greatest Hits » plutôt que d'un simple premier album, tellement le nombre de compositions d'Hendrix qui deviendront des classiques du rock est élevé : « Purple Haze », « Manic Depression », « Hey Joe », « The Wind Cries Mary », « Fire », « Third Stone from the Sun », « Foxey Lady » et « Are You Experienced? » sont tous présents ! Jimi a été un pionnier dans l'utilisation d'effets de phasing, fuzz, wah-wah et de la pédale Uni-Vibe/Univox, et il maîtrisait l'art de la distorsion contrôlée avec son ampli à lampes Marshall. Tous ces éléments, et bien plus encore, confirment le statut de Jimi comme le guitariste le plus créatif, talentueux et accompli de l'histoire du rock. L'album a été produit par Chas Chandler, ancien bassiste des Animals, et enregistré par Eddie Kramer, David Siddle et Mike Ross dans les studios De Lane Lea, CBS et Olympic à Londres. La réédition « tout analogique » Legacy de 2010, remastérisée par Kramer et gravée par George Marino chez Sterling Sound, est celle à privilégier.
Sans se laisser dépasser…
…un autre trio puissant venu d’Angleterre avait sorti son premier disque en décembre 1966, intitulé Fresh Cream, avec la chanson « I Feel Free ». Mais c’est véritablement le deuxième album du groupe, Disraeli Gears (signifiant « dérailleurs »), qui a changé la donne.

2- Cream – Disraeli Gears. Reaction – 594 003, ATCO Records – SD 33-232 (novembre 1967), 33 1/3 tours. Genre : rock psychédélique, acid rock, heavy rock, blues rock.
Considéré comme le premier "supergroupe", Cream était composé du bassiste Jack Bruce (ex-membre de Graham Bond Organization, John Mayall & the Bluesbreakers, Manfred Mann), du guitariste Eric Clapton (ex-membre des Yardbirds, John Mayall & the Bluesbreakers) et du batteur Ginger Baker (ex-membre de Blues Incorporated, Graham Bond Organization). Des chemins qui se croisent ! Sans doute le meilleur album de Cream, Disraeli Gears commence par le sensuel et bluesy "Strange Brew", où Clapton prend la voix principale à la place de l'habituel Bruce, suivi du single le plus connu du groupe, "Sunshine of Your Love". Bruce a été inspiré pour écrire le fameux riff de basse après avoir entendu Hendrix jouer dans un théâtre londonien. Il s'agit de la pièce la plus lourde de l'album, et ma principale raison de l'inclure comme pièce maîtresse de ce puzzle couvrant l'histoire du hard et du heavy.
« Tales of Brave Ulysses » sur la deuxième face est l'un de mes morceaux préférés de l'album, ainsi que du répertoire du groupe. C'est probablement aussi leur chanson la plus psychédélique, utilisant une ligne de basse descendante en tétracorde, ainsi que l'effet de pédale wah-wah de la guitare de Clapton. Ces deux éléments seront repris sur leur single de 1968, « White Room ». « SWLABR » propose un rythme rapide, saturé de fuzz, avec des solos de guitare jumelés sur deux canaux. Enfin, j'adore « We're Going Wrong », où la voix de Bruce reste douce et en falsetto, accompagnée par le jeu de guitare bluesy-psychédélique et émotionnel de Clapton, tandis que la batterie caractéristique de Baker, en 6/8, crée une ambiance de style oriental, typique de la musique psychédélique. L'album a été produit par Felix Pappalardi, et Tom Dowd d'Atlantic s'est chargé de l'ingénierie dans le studio du label à New York. Je ne possède que le pressage original britannique de Reaction, donc je n'ai pas pu le comparer à la version américaine sur ATCO.
Quittons maintenant Londres pour… partir à San Francisco…
À la fin de l’année 1967, les enfants des fleurs et les hippies de Haight-Ashbury avaient depuis longtemps déserté les lieux. Beaucoup avaient suivi le conseil de Leary de « s’allumer, se brancher, et décrocher ». Cependant, certains jeunes n’étaient pas aussi captivés par ce mouvement de « paix et amour » ni par cette philosophie d’éveil spirituel.

3- Blue Cheer – Vincebus Eruptum. Philips – PHS 600-264 (janvier 1968), 33 1/3 tours. Genre : heavy blues rock, heavy metal, acid rock, rock psychédélique.
Troquant l’Été de l’amour pour le « Summer Time Blues », Blue Cheer s’approprie le classique rock and roll d’Eddie Cochran pour en faire quelque chose de vraiment lourd. Le troisième trio de cette série est composé de Dickie Peterson au chant et à la basse, de Leigh Stephens à la guitare et de Paul Whaley à la batterie. Peu connu du grand public, le premier album du groupe, Vincebus Eruptum, joue néanmoins un rôle important dans l’évolution du heavy metal, car leur reprise de Cochran est considérée comme la toute première chanson de heavy metal. À l’époque, Vincebus était sans conteste l’album le plus lourd et agressif de son temps : du Cream dopé aux stéroïdes. Le martèlement incessant de la batterie, le tempo rapide, le riff principal répétitif, la distorsion de la guitare, les leads dissonants et saturés… Et vers le dernier tiers du morceau, juste après le solo de guitare, un changement de rythme brutal et bref suivi d’un accelerando avec une gamme ascendante, un procédé souvent repris dans le heavy metal. Le blues-rock « Rock Me Baby » est une reprise d’un standard popularisé par B.B. King. Le morceau « Doctor Please », écrit par Peterson, est un titre de heavy metal agressif aux modulations de tempo — il est excellent et sonne en avance sur son temps. « Parchman Farm » est une reprise d’un morceau de blues de Bukka White datant de 1941, revisité avec une touche acide et psychédélique et des changements de tempo. Enfin, « Second Time Around », autre création de Peterson, est le morceau le plus psychédélique de l’album, avec des duels de guitare, des solos de batterie et de basse, et une coda cataclysmique. L’album a été produit par Abe « Voco » Kesh et enregistré par John MacQuarrie aux studios Amigo à Hollywood, en Californie. La qualité sonore bénéficierait d’une sérieuse remasterisation vinyle et/ou d’un remixage pour donner plus d’impact à ces merveilleuses batteries. Y a-t-il quelqu’un pour écouter ?
Pour en savoir plus sur Claude Lemaire, visitez...
https://soundevaluations.blogspot.ca/
Liste de référence (singles, albums et étiquettes) :
1. The Jimi Hendrix Experience – Are You Experienced
Reprise Records - RS 6261 (1967, mai), Experience Hendrix, Legacy 88697 62395 1 (2010, mars), 33 1/3 rpm, 180g. Genre : psychédélique, acid rock, heavy rock, blues rock, R&B.
2. Cream – Disraeli Gears
Reaction - 594 003, ATCO Records - SD 33-232 (1967, nov.), 33 1/3 rpm. Genre : psychédélique, acid rock, heavy rock, blues rock.
3. Blue Cheer – Vincebus Eruptum
Philips - PHS 600-264 (1968, janv.), 33 1/3 rpm. Genre : heavy blues rock, heavy metal, acid rock, rock psychédélique.
Laisser un commentaire